Nous sommes des innovateurs
Notre connaissance des lois du mouvement, de l’électricité et de la lumière a permis l’essor de l’aviation, de l’informatique et des communications sans fil. Nous avons appris toutes ces choses en essayant de comprendre l’univers. La résolution des grands mystères actuels de la physique — comme de savoir ce qui a fait boum lors du Big Bang, de quoi sont faites la matière et l’énergie sombres, et comment la physique quantique régit l’espace et le temps — ouvrira selon moi la voie à de nouvelles technologies inimaginables.
Notre capacité de comprendre le fonctionnement de la nature et d’appliquer de manière ingénieuse ces connaissances pour améliorer notre monde fait partie de ce que nous sommes. Nous contemplons et imaginons, nous observons et expérimentons. Nos connaissances se traduisent par de nouvelles conceptions et réalisations. Et nous refaçonnons ainsi continuellement le monde. Nous sommes des innovateurs.
Le mot innovation est à la mode par les temps qui courent, mais c’est beaucoup plus qu’une mode. C’est un aspect essentiel de notre existence, et un outil dont nous avons besoin plus que jamais. Pensons aux nombreux défis auxquels nous faisons face : rareté des ressources, manque de possibilités, dommages à l’environnement, marginalisation de collectivités, croissance des nationalismes et des préjugés, fausses nouvelles et perte de confiance envers l’opinion des experts. Je crois que notre meilleur espoir pour résoudre tous ces problèmes est d’encourager les jeunes à avoir confiance en eux, à développer une pensée critique bien informée et à devenir des innovateurs compétents.
C’est pourquoi Innovation150 est l’un des thèmes de Canada 150, célébration du 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Comme vous le verrez dans la suite de ce numéro, l’Institut Périmètre y joue un rôle important. Pour ma part, je suis en pleine tournée de 6 villes d’un bout à l’autre du Canada, où je présente un exposé intitulé Nous sommes des innovateurs. En mettant en valeur le potentiel du Canada en matière d’innovation, j’espère encourager tous les Canadiens, en particulier les jeunes, à comprendre davantage le monde et à le transformer pour le mieux, au pays comme à l’étranger.
Que faut-il pour être innovateur? Afin de faciliter la mémorisation, je parle de 4 « C » : curiosité, courage, créativité et collaboration. Chacun voit ces qualités à sa façon. En tant que physicien, je m’inspire de pionniers de notre domaine.
La curiosité enjouée du jeune Michael Faraday, un apprenti qui bricolait dans le laboratoire de son mentor, a donné les premiers moteurs et générateurs électriques, puis les lois de Maxwell concernant l’électromagnétisme, à l’origine de la radio, des radars et de la révolution des communications mobiles.
Le courage de la jeune polonaise Marie Skłodowska Curie lui a permis de vaincre des préjugés extrêmes pour faire des recherches qui lui ont valu un prix Nobel de physique et un de chimie. Ses découvertes ont contribué au lancement de la révolution quantique qui a façonné la physique du XXe siècle et à l’avènement de nombreuses techniques de diagnostic médical.
Plus récemment, la créativité et la collaboration d’Art McDonald et de son équipe de SNOLAB leur ont permis de transformer une mine de nickel de Sudbury en un observatoire de neutrinos situé à 2 kilomètres sous terre. Cet observatoire de classe mondiale a révélé des processus qui se déroulent au cœur du Soleil et ouvert une nouvelle fenêtre sur la physique des très hautes énergies. Ces travaux ont valu à M. McDonald d’être corécipiendaire du prix Nobel de physique 2015. (Dans un article du présent numéro, Art McDonald, également membre du conseil d’administration de l’Institut Périmètre, fait part de ses réflexions sur l’innovation et la science.)
Tous ces innovateurs ont en commun la curiosité, le courage, la créativité, un esprit de collaboration ainsi qu’un désir intense de découvrir la vérité. Mais la découverte n’est qu’une partie de l’équation. Il faut aussi utiliser les innovations avec sagesse, pour le mieux-être de tous. Les innovateurs sociaux qui surmontent les divisions et améliorent notre vivre-ensemble sont tout aussi importants que les scientifiques, les technologues et les entrepreneurs.
Je vois des possibilités particulières pour le Canada. Sa diversité et sa culture de tolérance — envers les personnes et les idées — sont des atouts, car c’est souvent de la rencontre ou de la confrontation de points de vue différents que naît l’innovation. Il est vital d’accroître la force du Canada en tant que lieu où la diversité est appréciée et considérée comme un moteur de progrès, un lieu où le talent est valorisé peu importe où il se trouve, un lieu où chaque personne peut exploiter ses possibilités.
Je crois que les crises que le monde connaît actuellement donnent au Canada une occasion d’attirer les esprits les plus brillants et de devenir un chef de file mondial du savoir. Ce fut le cas en Hollande au XVIIe siècle, où l’invention du télescope et du microscope ont alimenté la renaissance scientifique. Ce fut le cas en Écosse au XVIIIe siècle, avec l’émergence de sommités comme Adam Smith et David Hume. Au XXIe siècle, je crois que le monde pourrait se tourner vers le Canada comme lieu de conception de notre avenir collectif.
Cela exigera efforts et engagement, et nous avons beaucoup à faire. Toute la société — individus, collectivités, écoles, universités, entreprises, syndicats, gouvernements — doit faire en sorte de soutenir l’innovation.
L’Institut Périmètre est fier de contribuer à cet effort. Nous initions des élèves et des enseignants à la science moderne. Nous amenons des philanthropes visionnaires à appuyer la recherche de pointe. Et, bien entendu, en tant que scientifiques, nous travaillons à ouvrir de nouvelles avenues qui mèneront à une meilleure compréhension de l’univers.
Tous les jours, l’Institut Périmètre me rappelle pourquoi j’aime la physique. Celle-ci récompense la curiosité, la créativité, le courage et la collaboration avec le bien le plus précieux : la capacité de façonner notre destin.
À propos de l’IP
L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.