De la physique en famille

Il n'est pas rare que des scientifiques parlent de leurs proches collaborateurs comme d'une famille, mais pour certains d'entre eux ce n'est pas une métaphore. 

Que ce soit grâce à la génétique ou à l’éducation — ou probablement une puissante combinaison des deux —, il se trouve que la recherche en physique est souvent une passion familiale.

Des brillants Bernoulli aux curieux Curie, des familles célèbres de physiciens ont énormément contribué à notre compréhension de la nature.

L’une de ces familles a compté 8 mathématiciens, d’autres ont accumulé plusieurs prix Nobel, et l’une d’entre elles a un lien particulier avec l’Institut Périmètre.

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Les Bohr

Le physicien danois Niels Bohr a été un géant de la physique du XXe siècle. Il a joué un rôle fondamental dans le développement de la physique quantique, et a été le premier à appliquer les notions quantiques à la structure des atomes et des molécules, ce qui lui a valu le prix Nobel de physique en 1922.

Un second prix Nobel est entré dans la famille Bohr en 1975, lorsqu’Aage, fils de Niels, a été colauréat du prix pour ses travaux sur la structure des noyaux atomiques. Aage a succédé à son père comme directeur de l’Institut de physique théorique de l’Université de Copenhague.

Harald, le jeune frère de Niels, n’était pas non plus dépourvu. Il a été un pionnier de l’étude des fonctions périodiques, a été professeur de mathématiques à l’Université de Copenhague, et a remporté une médaille d’argent aux Jeux olympiques de 1908 comme demi-arrière étoile de l’équipe danoise de soccer.

Visionnez une conférence publique prononcée à l’Institut Périmètre par Vilhelm Bohr, petit-fils de Niels, sur l’héritage de sa famille.

Les Bardeen

Le physicien américain John Bardeen a été colauréat de 2 prix Nobel de physique, l’un en 1956 pour ses travaux sur les semiconducteurs et la découverte de l’effet transistor, l’autre en 1972 pour avoir élaboré la théorie de la supraconductivité.

Son fils James est bien connu pour ses travaux sur la relativité générale, notamment pour son rôle dans la formulation des lois de la mécanique des trous noirs. Il est professeur émérite à l’Université de l’État de Washington et titulaire d’une chaire de chercheur invité distingué de l’Institut Périmètre.

L’autre fils de John, William, est théoricien à Fermilab. La fille de John, Elizabeth, était informaticienne et a mis au point des systèmes pour l’Hôpital de la Ville de Boston. Elle était mariée à Thomas J. Greytakm, professeur émérite de physique au MIT.

Raman et Chandrasekhar

Le physicien indien Chandrasekhara Venkata (C.V.) Raman, dont le père était maître de conférences en physique et en mathématiques, a commencé pendant ses études à faire des recherches en optique et en acoustique. Il a remporté le prix Nobel de physique en 1930 pour ses travaux sur la diffusion de la lumière et pour avoir découvert le changement de longueur d’onde subi par un faisceau lumineux lorsqu’il est dévié par des molécules (ce que l’on appelle l’effet Raman). Il a aussi contribué à la découverte du spin du photon.

Son neveu, Subrahmanyan Chandrasekhar, était un astrophysicien qui a été colauréat du prix Nobel de physique en 1983 pour ses travaux théoriques sur la structure et l’évolution des étoiles. La limite de Chandrasekhar (masse maximale d’une naine blanche stable) porte son nom.

Les Curie

De toutes les familles qui ont poursuivi des recherches pendant des générations, les Curie constituent sans doute la plus célèbre famille scientifique.

Marie Skłodowska Curie et son mari Pierre Curie ont été des pionniers de l’étude de la radioactivité, remportant le prix Nobel de physique en 1903. En 1911, Marie a remporté un second prix Nobel, en chimie cette fois, pour la découverte du radium et du polonium.

Leur fille aînée, Irène Joliot-Curie, a poursuivi la tradition familiale lorsqu’elle et son mari Frédéric Joliot ont remporté en 1935 le prix Nobel de chimie pour leur découverte de la radioactivité artificielle.

L’autre fille de Marie et Pierre, Ève Curie, a été une femme de lettres et journaliste. Même si elle n’a pas remporté de prix Nobel, son mari, Henry Richardson Labouisse fils, a reçu en 1965 le prix Nobel de la paix au nom de l’UNESCO.

Les enfants d’Irène et de Frédéric sont aussi devenus des scientifiques : Hélène Langevin-Joliot est physicienne nucléaire, et Pierre Joliot est un biologiste de renom.

Mach, Mach et Pauli

Le physicien et philosophe autrichien Ernst Mach a été le premier à étudier le mouvement supersonique (la vitesse du son porte son nom) et a contribué de manière importante à la compréhension de l’effet Doppler.

Ernst a travaillé avec son fils Ludwig pour photographier les ombres des ondes de choc. Dans les années 1890, Ludwig a étendu ces travaux pour inventer un interféromètre permettant d’obtenir des images plus nettes (l’interféromètre de Mach-Zehnder porte son nom).

Wolfgang Pauli, filleul d’Ernst Mach, a été un pionnier de la physique quantique et a remporté le prix Nobel de physique en 1945 pour sa formulation du principe d’exclusion de Pauli, selon lequel deux fermions identiques ne peuvent pas être simultanément dans un même état quantique.

Les Bernouilli

Sur 3 générations, de 1654 à 1759, la famille Bernouilli a produit 8 savants qui ont contribué aux fondements des mathématiques appliquées et de la physique, notamment l’analyse, la mécanique des fluides, les probabilités et les statistiques.

1ère génération : Les 3 frères BernouilliJacob, Nicolaus et Johann — sont nés à Bâle, en Suisse. Jacob et Johann ont été des mathématiciens de renom; Jacob a donné son nom aux nombres de Bernouilli, et Johann a utilisé très tôt l’analyse infinitésimale. Ils ont été parmi les instigateurs du calcul des variations.

2e génération : Le fils de Nicolaus, Nicolaus I, a été mathématicien et professeur. Nicolaus II, fils de Johann, était mathématicien et un professeur renommé lorsqu’il est mort de fièvre à l’âge de 31 ans; son frère Daniel a contribué à la mécanique des fluides, et a été un pionnier des probabilités et des statistiques (le principe de Bernouilli porte son nom); Johann II, également fils de Johann, a été mathématicien et physicien.

3e génération : Johann III (fils de Johann II) était considéré comme un enfant prodige et a été nommé astronome royal de Berlin à l’âge de 19 ans. Il a ponctué ses travaux de nombreux voyages, puis a été nommé directeur du Département de mathématiques à l’Académie de Berlin. Son frère Jacob II était un physicien et mathématicien. Il est mort noyé à l’âge de 29 ans.

Les Siegbahn

Le physicien suédois Manne Siegbahn, un des premiers chercheurs dans le nouveau domaine de la spectroscopie des rayons X, a mis au point des techniques de mesure très précises qui ont permis de nombreux développements en physique quantique et en physique atomique, et lui ont valu en 1924 le prix Nobel de physique.

Kai Siegbahn, fils de Manne, a suivi les traces de son père dans le domaine et est devenu un expert de la spectroscopie laser. Il a mis au point la spectroscopie de photoélectrons X (XPS), qui fait appel à la spectroscopie d’électrons pour tester la composition et la pureté de matériaux, ce qui lui a valu le prix Nobel de physique en 1981.

Deux des fils de Kai sont également devenus physiciens : Per est professeur de physique quantique à l’Université de Stockholm, et Hans est professeur de physique moléculaire et de physique de la matière condensée à l’Université d’Uppsala.

Les Bragg

Quelques familles peuvent se vanter d’avoir deux prix Nobel, mais il y en a une seule où un parent et un de ses enfants ont remporté le prix ensemble. Le physicien britannique William Bragg et son fils né en Australie, Lawrence, ont créé une nouvelle branche de la science — et se sont partagé le prix Nobel de physique en 1915 — lorsqu’ils ont inventé la spectroscopie des rayons X. Lawrence a été à 25 ans le plus jeune lauréat d’un prix Nobel de physique. Les deux ont continué de travailler ensemble pendant des années sur l’analyse de la structure de cristaux.

Les frères Oppenheimer

Les frères Robert et Frank Oppenheimer ont été physiciens et ont eu des liens avec le communisme à une époque explosive de l’histoire des États-Unis.

Robert était le directeur du Laboratoire de Los Alamos pendant le projet Manhattan et est considéré comme un père de la bombe atomique. Il est devenu président de la Commission de l’énergie atomique (AEC), mais a perdu sa cote de sécurité en 1953 à l’époque trouble du maccarthysme. (En 1963, le gouvernement des États-Unis lui a remis le prix Fermi, la plus haute distinction de l’AEC.) Robert a été directeur de l’Institut d’études avancées de Princeton de 1947 jusqu’à son décès en 1966.

Son jeune frère Frank était un physicien des particules qui travaillait en physique nucléaire et sur l’enrichissement de l’uranium jusqu’à ce qu’il soit lui aussi écarté dans les années 1950. Il a été grand éleveur de bovins pendant 10 ans, puis est retourné à l’enseignement de la physique dans une école secondaire et à l’Université du Colorado. Sa passion pour l’éducation scientifique l’a amené à fonder l’Exploratorium de San Francisco en 1969.

Les Thomson

On reconnaît au physicien anglais Joseph John (J.J.) Thomson d’avoir découvert la première particule subatomique — l’électron — alors qu’il étudiait les tubes à rayons cathodiques et la conductivité des gaz. Ces travaux lui ont valu le prix Nobel de physique en 1906.

Son fils, George Paget Thomson, a poussé plus loin ces travaux, en menant dans les années 1920 des expériences qui ont ultimement montré que les électrons se comportent comme une onde même si ce sont des particules. Il a été colauréat du prix Nobel de physique en 1937 et a été anobli en 1943.

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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