Les pionnières de l’astronomie stellaire

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, une équipe de scientifiques de l’Observatoire de l’Université Harvard a analysé près d’un demi-million de photographies d’étoiles. Ces astronomes ont découvert les types d’étoiles, élaboré le premier catalogue moderne d’étoiles, et ont même fini par découvrir de quoi les étoiles sont faites. Ces astronomes étaient toutes des femmes.

En 1850, des scientifiques bricoleurs ont fixé un appareil photo sur un télescope et ont pris la première photographie d’une étoile. Le daguerréotype résultant était flou et pâle, mais l’idée était lumineuse et claire : on pouvait exploiter la photographie pour enregistrer le ciel nocturne.

Peu après, des appareils photographiques ont été conçus pour des télescopes, et des télescopes ont été construits en fonction d’appareils photographiques. Des astronomes du monde entier ont produit des négatifs sur plaque de verre. Empaquetés dans des malles, chargés sur des bateaux à vapeur, expédiés à dos de mulet sur des sentiers montagneux, ils sont arrivés de partout en grand nombre.

L’une de leurs principales destinations était l’Observatoire de l’Université Harvard, où l’astronome Edward Pickering tentait de cartographier et de mesurer chaque étoile. L’Université Harvard allait finir par abriter un demi-million de ces fragiles plaques de verre, chacune de la grandeur d’une feuille de papier, ponctuées de minuscules points et taches gris et noirs : des étoiles.

Négatif sur plaque de verre de la ceinture d’Orion : le cercle rouge entoure la nébuleuse de la Tête de Cheval, découverte par Williamina Fleming.[/caption]

Bientôt, les plaques s’empilaient plus vite que Pickering et ses étudiants ne pouvaient les analyser. Il fallait calculer la position, évaluer la luminosité et analyser le spectre de chaque étoile. De plus, il fallait suivre chaque étoile dans le temps, afin de voir si elle se déplaçait par rapport aux autres ou si sa luminosité variait.

Une plaque pouvait contenir les images de dizaines ou de centaines d’étoiles présentant de minuscules différences entre elles. Cela exigeait un travail aussi minutieux et expert que la dentellerie.

Les étudiants de Pickering — à qui on avait promis de regarder dans des télescopes et non à travers des loupes — détestaient ce travail. Selon la légende, Pickering perdit patience et leur dit que sa femme de ménage écossaise pourrait mieux faire qu’eux!

Il a donc embauché celle-ci.

Williamina Fleming, immigrante écossaise et femme de ménage de Pickering, est devenue la première d’une quarantaine de femmes employées à titre de « calculatrices » À l’Observatoire de l’Université Harvard. On les appelle parfois les « calculatrices de Harvard ».

Pourquoi tant de femmes? Il y avait plusieurs raisons. La fondatrice du projet de catalogage des étoiles était une femme : Mary Draper, astronome amatrice, qui avait commencé à monter un catalogue photographique des étoiles avec son mari Henry et qui voulait le compléter après la mort de ce dernier.

Cette tâche, peu prestigieuse et exigeant beaucoup de patience, était réputée convenir à des femmes. Regarder les images d’étoiles — au lieu des étoiles elles-mêmes — était un travail respectable, qui se faisait à l’intérieur et de jour. Mary Draper en savait quelque chose : lors d’une expédition d’observation d’une éclipse solaire, elle était restée à l’intérieur de la tente pour noter le temps.

Il y avait une autre raison, non négligeable : l’embauche de femmes coûtait beaucoup moins cher. Alors que l’astronomie entrait dans sa première ère de science centrée sur des données, il fallait beaucoup de monde pour former un groupe de calcul humain. L’embauche de femmes rendait le projet abordable.

Des femmes astronomes étudient des images d’étoiles sur plaque de verre. Williamina Fleming se tient debout derrière elles.[/caption]

Dans un rapport à l’administration de l’Université Harvard, Pickering disait de ces calculatrices qu’elles étaient peu formées et peu douées. Mais en réalité, il y a eu parmi ces femmes beaucoup de remarquables scientifiques.

À une époque où, selon certains astronomes, les galaxies lointaines étaient de proches nuages de gaz, les étoiles étaient faites de fer chaud, et les traits visibles à la surface de la Lune étaient dus à des nuées d’insectes, ces femmes ont recueilli des données, effectué des calculs et fait avancer l’astronomie stellaire de plusieurs années-lumière. Elles sont les initiatrices de l’astronomie stellaire fondée sur des données, telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Ce sont elles qui ont eu des idées et réalisé des percées. Elles ont ouvert une porte sur l’univers. Mais si vous n’avez jamais entendu parler d’elles, vous n’êtes pas les seuls.

Williamina Fleming (1857–1911)

Williamina Fleming aurait très bien pu être l’une de ces femmes qui restent dans l’ombre et finissent dans l’oubli. Née en Écosse en 1857, c’était une enfant brillante et prometteuse. Mais peu après s’être mariée et avoir immigré aux États-Unis, elle a été abandonnée par son mari.

En Écosse, elle aurait été enseignante. Enceinte et désespérée, elle a accepté l’emploi qu’elle pouvait trouver, devenant femme de ménage pour Edward Pickering, directeur de l’Observatoire de l’Université Harvard.

À la demande pressante de sa femme, Pickering a embauché Williamina Fleming comme agente d’administration à l’observatoire, où elle est devenue responsable d’un groupe de plus en plus nombreux de femmes, de même que conservatrice des plaques photographiques à partir desquelles les « calculatrices » constituaient patiemment un registre des étoiles.

Mais Williamina Fleming a été bien plus qu’une secrétaire technique : elle a été la première experte en spectres stellaires.

Peu avant sa mort, Henry Draper avait mis au point une méthode consistant à ajouter un prisme au système formé par le télescope et l’appareil photographique pour disperser la lumière, de telle sorte que l’image de chaque étoile soit une tache plutôt qu’un point. (En couleur, cette image aurait été un arc-en-ciel, autrement dit un spectre.)

Cette lumière dispersée donnait accès à de l’information nouvelle. Chaque tache contenait des raies où la lumière était absorbée par les atomes des étoiles. La science ne comprenait pas encore totalement la signification de ces raies — ce qui allait venir avec la mécanique quantique —, mais à force d’observer des spectres, Williamina Fleming a vu l’émergence de modèles.

Elle a été la première à nommer ces modèles et à classer les étoiles selon ces modèles, comme Carl Linnaeus avait classifié les animaux en embranchements et en classes. Ces travaux ont donné lieu au système de Pickering-Fleming, et plus tard à la publication du premier volume du catalogue de Henry Draper, dans lequel plus de 10 000 étoiles étaient répertoriées selon leur spectre.

Ce spectre disperse la lumière d’une étoile selon la couleur. Les raies où la lumière était absorbée apparaissaient en blanc dans cette image en négatif. L’étude attentive de ces raies a joué un rôle-clé dans de nombreuses découvertes réalisées par les calculatrices de Harvard.[/caption]

Seul le nom de Pickering figurait sur la couverture du catalogue de Draper, mais dans l’introduction il mentionne le travail « de mesure et de classification de tous les spectres, ainsi que de préparation du catalogue pour publication » [traduction] de Williamina Fleming — ce qui n’est pas négligeable dans une page de remerciements.

Williamina Fleming a écrit que Pickering « semble penser qu’aucun travail n’est trop considérable ou trop difficile pour moi, peu importe les responsabilités ou le nombre d’heures nécessaires. Mais si je soulève la question du salaire, on me dit tout de suite que je reçois un excellent salaire pour une femme. » [traduction]

Williamina Fleming a travaillé pendant des décennies à l’Observatoire de l’Université Harvard. Elle a catalogué des dizaines de milliers d’étoiles. Elle a découvert les naines blanches et la nébuleuse de la Tête de Cheval. Elle a été la première Américaine élue à la Société royale d'astronomie du Royaume-Uni.

Elle est décédée en 1911. L’épitaphe sur sa pierre tombale se résume à un seul mot : Astronome.

Annie Jump Cannon (1863–1941)

Annie Jump Cannon a grandi parmi les étoiles. Sa mère lui a enseigné les constellations, et ensemble elles ont construit un petit observatoire dans leur grenier. Sa mère a aussi veillé à ce qu’Annie aille à l’université, où elle a étudié la physique et a été la majore de sa promotion. Au cours de cette période, elle a preque totalement perdu l’ouïe, devenant atteinte de ce que l’on qualifie aujourd’hui de surdité profonde.

Annie Jump Cannon n’a pas tout de suite commencé une carrière scientifique, mais elle a eu du mal à adopter la vie cachée qui était alors le lot des personnes sourdes. Elle était très sociable, aimant les fêtes et l’aventure. Elle a parcouru l’Europe en solo avec son appareil photo et a publié des ouvrages de photographies de voyage. Elle s’est impliquée dans la cause du droit de vote des femmes.

Elle a fini par se joindre aux calculatrices de Harvard en 1896. Elle s’est rapidement révélée brillante dans ce travail : elle pouvait classifier des étoiles pratiquement au premier coup d’œil et se souvenait de quelles plaques, parmi des dizaines de milliers, contenaient quels spectres. Au bout du compte, elle a classifié plus de 350 000 étoiles — plus que toute autre personne ne l’a jamais fait.

Elle a aussi fait beaucoup progresser le projet de classification d’étoiles lancé par Fleming.

L’un des éléments les plus remarquables et importants du spectre d’une étoile est la raie d’absorption H1 : c’est la raie foncée du spectre où (selon la compréhension moderne) les photons ayant une énergie donnée sont absorbés par les atomes d’hydrogène.

Fleming avait classifié les étoiles selon l’intensité et la netteté de leurs raies de l’hydrogène. Elle utilisait les lettres de l’alphabet, les raies de type « A » étant les plus intenses et les plus nettes. Une autre calculatrice de Harvard, Antonia Maury, avait mis au point un système différent fondé entre autres sur la largeur des raies. Elle utilisait des chiffres romains.

Annie Jump Cannon a pris les 2 systèmes, les a combinés avec ses propres observations, a édité le tout et mis au point le système de classification des étoiles encore en usage aujourd’hui : OBAFGKM. (La raison de ce désordre alphabétique : personne ne voulait réimprimer le catalogue de Draper élaboré par Fleming, et les catégories d’étoiles n’ont pas été renommées.)

On ne pouvait pas le savoir à l’époque, mais il se trouve que la suite OBAFGKM classe les étoiles par ordre de leur température de surface, des torrides étoiles bleues de type O, à plus de 30 000 K, aux étoiles rouges plus froides de type M, à aussi peu que 3 000 K, en passant par les étoiles moyennes jaunes de type G, telles que notre Soleil, à environ 6 000 K.

Lors d’une conférence internationale d’astronomie, Annie Jump Cannon a été nommée au comité de classification des spectres stellaires. « Autour d’une longue table, il y avait des hommes de nombreux pays, et j’étais la seule femme », a-t-elle écrit, ajoutant avec ironie : « Comme j’avais fait presque tout le travail effectué dans le monde dans ce domaine précis, c’était moi qui devais parler le plus. » [traduction]

Un siècle plus tard, les astronomes l’écoutent encore. Les étudiants en astronomie voient le système OBAFGKM d’Annie Jump Cannon dans leur premier cours. C’est fondamental à ce point. Et, à l’instar du tableau périodique des éléments, c’est une clé puissante qui révèle des idées plus profondes sur la vie et la mort des étoiles, et même sur les raisons pour lesquelles elles brillent.

Henrietta Swan Leavitt (1868–1921)

Une étoile donnée est-elle brillante et lointaine, ou faible et proche de nous? Avant les travaux d’Henrietta Swan Leavitt, il n’y avait aucun moyen de le savoir. Après ses travaux, les astronomes pouvaient chercher un certain type d’étoile variable et calculer exactement sa distance en mesurant sa vitesse de clignotement, selon une relation appelée loi de Leavitt.

En utilisant la loi de Leavitt, les astronomes ont d’abord découvert que notre système solaire n’est pas au centre de notre galaxie, que notre galaxie n’est qu’une parmi de nombreuses galaxies, et finalement que l’univers dans son ensemble est en expansion. Pieuse, sourde et brillante, Henrietta Swan Leavitt a littéralement mesuré la taille de l’univers.

Née en 1868, elle était la fille d’un pasteur. Elle a fréquenté le collège de femmes rattaché à l’Université Harvard. Elle y a étudié les classiques, la philosophie, les beaux-arts, les mathématiques et l’astronomie. Peu après avoir obtenu son diplôme, elle a contracté (comme Annie Jump Cannon) une maladie qui lui a fait perdre l’ouïe.

Henrietta Swan Leavitt avait travaillé en tant qu’étudiante à l’Observatoire de l’Université Harvard, mais pour y retourner en tant que diplômée, elle devait travailler sans salaire. Comme elle avait accès aux ressources financières de sa famille, c’était jugé inconvenant de la payer. Elle a fini par obtenir un salaire de 30 cents l’heure — l’équivalent d’environ 9 dollars l’heure aujourd’hui.

Elle s’est néanmoins jointe à l’Observatoire, et a commencé en 1903 à rechercher et à étudier des étoiles variables, c’est-à-dire des étoiles dont la luminosité varie dans le temps. En particulier, elle a étudié les étoiles variables dites céphéides, dont la luminosité varie de 2 magnitudes avec une régularité d’horloge. Les trouver — en comparant les fragiles plaques de verre exposées lors de nuits différentes, à la recherche de minuscules changements — était long et fastidieux. Malgré tout, Henrietta Swan Leavitt a découvert 2 400 nouvelles céphéides.

En 1912, elle a publié sa découverte emblématique : une étude des 25 céphéides du Petit Nuage de Magellan. Comme ces étoiles faisaient partie de la même galaxie, Henrietta Swan Levitt savait qu’elles étaient toutes à peu près à la même distance de nous, et que par conséquent, celles qui semblaient plus brillantes avaient réellement une luminosité plus grande, et que celles qui semblaient plus pâles avaient réellement une luminosité plus faible.

En comparant la période et la luminosité de ces céphéides, elle a découvert « une relation très simple » (la loi de Leavitt mentionnée plus haut) : plus une étoile est brillante, plus sa période est longue. En mesurant la période d’une céphéide, on peut calculer exactement sa luminosité, et par conséquent sa distance par rapport à nous. (Les astronomes de l’époque avaient déjà une bonne compréhension de la relation entre la luminosité apparente et la distance.)

Avant les travaux de Leavitt, les astronomes ne pouvaient mesurer que la distance entre la Terre et les étoiles les plus proches, en utilisant la parallaxe. La loi de Leavitt leur a donné les moyens de revoir la structure de l’univers. Ils ont constaté que notre Soleil n’est pas au centre de notre galaxie, et que notre galaxie n’est pas au centre de l’univers. Ils ont d’abord mesuré notre galaxie, puis la distance jusqu’à la galaxie la plus proche, prouvant qu’Andromède, que l’on croyait être un nuage au sein de notre propre galaxie, est en fait une galaxie spirale géante de mille milliards de masses solaires, située à 2 500 000 années-lumière de nous.

Edwin Hubble, qui a mesuré la distance jusqu’à la galaxie d’Andromède, était d’avis que Leavitt méritait un prix Nobel. Il n’était pas le seul : elle a effectivement été mise en nomination, à la suite de quoi ceux qui avaient proposé son nom se sont rendu compte que la femme que l’on avait négligée pendant toute sa vie était morte du cancer 3 ans auparavant, à l’âge de 53 ans.

Cecilia Payne-Gaposchkin (1900–1979)

Dans les années 1920, les astronomes en étaient encore à supposer que tout l’univers était constitué de la même centaine d’éléments que l’on trouve sur la Terre. Ils croyaient que les étoiles brillaient parce qu’elles étaient chaudes, comme des tisonniers chauffés dans une forge.

Cela semble ridicule maintenant, mais ce n’est pas un modèle si stupide. Après tout, pourquoi la chimie des étoiles devrait-elle être différente de la chimie de la Terre? Cela posait toutefois un problème : si les étoiles étaient constituées d’une centaine d’éléments différents, formant potentiellement des millions de combinaisons chimiques, pourquoi alors y avait-il seulement 7 sortes d’étoiles — O, B, A, F, G, K et M?

C’est là qu’intervint Cecilia Payne, celle qui a découvert de quoi les étoiles sont faites.

Cecilia Payne est née en Angleterre en 1900. Elle a étudié la physique et l’astronomie à l’Université de Cambridge, mais sans obtenir de diplôme — puisque l’Université de Cambridge ne décernait aucun diplôme à des femmes. Elle a donc immigré aux États-Unis en 1923, pour étudier à Radcliffe College, l’annexe de l’Université Harvard réservée aux femmes et l’une des rares institutions universitaires qui décernaient à l’époque des diplômes de physique à des femmes. En 1925, elle est devenue la première personne à obtenir un doctorat à Radcliffe, grâce à ce qu’un éminent scientifique contemporain a qualifié de « la plus brillante thèse de doctorat en astronomie jamais écrite ».

Elle est encore considérée comme la plus brillante thèse de doctorat en astronomie de tous les temps.

À l’instar de Fleming et Cannon avant elle, Cecilia Payne étudiait les spectres stellaires. Elle savait — elles savaient toutes — que les spectres devaient être des fenêtres ouvertes sur la chimie des étoiles. L’idée que l’on pouvait connaître la composition d’un gaz en y faisant passer de la lumière et en examinant les raies d’absorption était connue depuis le siècle précédent. C’était la raison pour laquelle Henry Draper avait ajouté un prisme à un télescope.

La grande idée de Cecilia Payne consistait à réexaminer les spectres stellaires dans leur ensemble, non pour rechercher des indices sur la composition chimique des étoiles, mais plutôt sur leur température. En se servant des tout nouveaux outils de la mécanique quantique, elle a entrepris (selon ses termes) « de rendre quantitative l’information qualitative inhérente au système de Henry Draper » [traduction].

En 1920, un scientifique du nom de Meghnad Saha avait élaboré un ensemble d’équations qui faisaient appel à la mécanique quantique pour pousser plus loin l’étude des spectres stellaires. Si l’on savait à travers quel gaz on faisait passer la lumière, on pouvait utiliser les équations de Saha pour en déterminer la température. Appliquer cela aux spectres stellaires constituait un énorme défi, non seulement parce que les gaz contenus dans ce que l’on appelle les « atmosphères stellaires » étaient inconnus, mais parce que les équations de Saha sont d’une complexité mathématique extrême.

Cecilia Payne se mit au travail. En à peine plus d’un an de défrichage mathématique, elle a abouti à un résultat qui a secoué jusqu’au tréfonds de l’univers des étoiles de fer. Les 7 motifs spectrographiques différents nommés par Fleming et Cannon correspondaient parfaitement à 7 groupes d’ions hydrogène, dont chacun ne pouvait exister que dans sa propre fourchette de températures.

Au bout du compte, les travaux de Cecilia Payne ont montré que les étoiles sont toutes faites d’hydrogène, avec un peu d’hélium et quelques éléments plus lourds (que les astronomes appellent des métaux) en quantité infime — moins d’une partie par million.

Elle était encore étudiante diplômée, et ses conclusions allaient à l’encontre de l’opinion généralement répandue. Son directeur de recherche a envoyé l’ébauche de sa thèse à un astronome d’expérience, Henry Norris Russell (le « R » des diagrammes HR des étoiles).

« Il est clairement impossible que l’hydrogène soit un million de fois plus abondant que les métaux » [traduction], dit Russell, qui a persuadé Cecilia Payne d’atténuer sa thèse en écrivant que ses propres résultats étaient improbables, vraisemblablement à cause d’erreurs de mesure.

« J’ai soumis ma thèse au moment où j’étais convaincue de sa justesse, allait-elle écrire plus tard. Voilà un autre exemple de comment ne pas faire de la recherche. Je souligne cela à l’intention des jeunes : si vous tes certains des faits, vous devriez défendre votre position. » [traduction]

Quelques années plus tard, Russell a publié à peu près les mêmes résultats que Payne avait présentés dans sa thèse et l’a à peine citée. Pourtant, on lui attribue encore parfois la découverte de la composition des étoiles. Un des axes de son diagramme porte les températures stellaires — celles de Payne. Cela s’est produit des années avant que Payne jouisse enfin d’une reconnaissance publique avec la parution de son ouvrage intitulé Stellar Atmospheres (Atmosphères stellaires).

D’une certaine manière, Cecilia Payne marque la fin des calculatrices de Harvard — le passage des femmes « peu formées » de Pickering, qui empruntaient l’une des seules voies possibles pour devenir des scientifiques, à des femmes comme Payne qui ont suivi le parcours universitaire autrefois réservé aux hommes.

Ce parcours n’était toutefois pas exempt de difficultés. Cecilia Payne — qui s’est mariée et a pris le nom de Payne-Gaposchkin — a poursuivi sa carrière à l’Université Harvard, mais à titre d’« assistante technique », et non de professeure, même si elle donnait des cours et supervisait des étudiants diplômés. Finalement, en 1956, plus de 30 ans après sa grande découverte, elle est devenue cheffe du Département d’astronomie de l’Université Harvard, brisant un plafond de verre et ouvrant aux femmes de nouvelles voies vers les étoiles.

« Des jeunes, en particulier de jeunes femmes, me demandent souvent un conseil, a-t-elle écrit. En voici un, qui vaut ce qu’il vaut. N’entreprenez pas une carrière scientifique pour la gloire ou l’argent. Il y a des voies plus faciles et meilleures pour cela. N’entreprenez une telle carrière que si rien d’autre ne peut vous satisfaire, car vous ne recevrez probablement rien de plus. Votre récompense sera l’élargissement de l’horizon à mesure que vous grimperez. » [traduction]

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L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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