Les réseaux neuronaux atteignent de nouveaux sommets d’optimisation

Estelle Inack, chercheuse à l’Institut Périmètre, a mis au point un réseau neuronal qui peut aider à trouver la meilleure solution lorsqu’un problème est complexe et que de nombreuses solutions sont possibles. Elle vient de publier un article à ce sujet — et de lancer sa propre entreprise. Les citations de cet article sont traduites d’une entrevue qu’elle a accordée en anglais.

Estelle Inack suit plusieurs itinéraires en parallèle.

Elle est postdoctorante à l’Institut Périmètre, où elle est titulaire de la bourse Francis-Kofi-Allotey. Elle travaille à la jonction de l’intelligence artificielle et de la physique des systèmes quantiques à N corps au Laboratoire d’intelligence quantique de l’Institut Périmètre, en abrégé PIQuIL. Elle est également affiliée diplômée à l’Institut Vecteur d'intelligence artificielle.

Ajoutez à cela qu’elle est cofondatrice et directrice technique de la jeune pousse de technologie quantique yiyaniQ. « Ce nom vient de ma langue locale, le basa’a », explique Mme Inack, qui est originaire du Cameroun. « Yi signifie intelligence, et yaani veut dire demain. La lettre Q vient de quantique, bien sûr. »

Ses recherches récentes — et sa nouvelle entreprise — sont centrées sur une technique qui vise à trouver la meilleure solution à des problèmes complexes ayant de nombreuses solutions possibles. Appelés problèmes d’optimisation, ils sont omniprésents dans des domaines allant des produits pharmaceutiques à la finance.

« Imaginez que vous êtes dans l’Himalaya, dit Mme Inack, et qu’on vous demande de trouver la vallée la plus basse en altitude. » Chaque vallée possède un point le plus bas, ce qui constitue une solution locale au problème. La recherche du point le plus bas de toutes les vallées est un exemple de problème d’optimisation. Une méthode de résolution des problèmes d’optimisation, appelée recuit, exprime le problème du parcours de l’Himalaya dans le langage de la physique.

Au sens propre, le recuit consiste à chauffer du verre ou du métal, puis à le refroidir lentement pour en éliminer les tensions internes. Autrement dit, le recuit met un matériau dans son état d’énergie le plus bas, ce qui constitue un exemple d’optimisation. Les physiciens ont établi un cadre mathématique de ce problème : ils l’expriment sous forme d’un hamiltonien.

« Si vous pouvez formuler le problème sous forme d’un hamiltonien, explique Mme Inack, l’optimisation revient à trouver l’état fondamental. » La recherche de l’état fondamental d’un hamiltonien est une tâche très répandue, même si elle est parfois titanesque, dans de nombreux domaines de la physique. Les chercheurs qui viennent du domaine de la matière condensée, dont Estelle Inack, y sont particulièrement habiles.

La technique du recuit simulé est bien établie, mais Mme Inack et d’autres chercheurs du PIQuIL y ont ajouté une amélioration. Ils ont trouvé un moyen de la mettre en œuvre en utilisant un réseau neuronal artificiel, ce qui la rend plus rapide et plus puissante.

Et ce n’est pas tout. Il y a 2 sortes de recuit simulé : le recuit simulé thermique et le recuit simulé quantique.

Mme Inack reprend la comparaison de l’Himalaya : « Dans le premier cas, on essaie de trouver la vallée la plus basse en altitude en conduisant une voiture. » C’est l’analogue du recuit thermique. Un bon algorithme va généralement trouver une vallée de faible altitude, mais il y a parfois un hic. « On peut être au fond d’une vallée et que la prochaine montagne soit impossible à franchir », dit Mme Inack. On peut donc trouver une basse vallée, mais rater une vallée plus basse qu’il est impossible d’atteindre. C’est une bonne solution, mais elle n’est pas optimale.

« Dans le second cas, on dispose de superpouvoirs, poursuit Mme Inack. On peut passer à travers les montagnes. » Au cœur de la simulation, ces superpouvoirs prennent la forme de l’effet tunnel quantique. C’est la version quantique du recuit simulé.

Quelle serait la manière la plus rapide de trouver la vallée la plus basse? Selon Mme Inack, cela dépend du paysage : « Pensez à la manière dont réfléchirait un ingénieur civil. Pour aller de l’autre côté de la montagne, est-il préférable de construire un tunnel ou une route en pente? Est-ce la méthode thermique ou quantique qui est la meilleure? Cela dépend de la hauteur et de la largeur de la montagne. »

« De plus, poursuit-elle, dans le cas de nos problèmes, nous ne connaissons pas le profil de la montagne. » On ne peut pas décider d’avance si c’est le recuit quantique ou le recuit thermique qui constitue la meilleure méthode.

La prochaine étape — celle dont les premiers succès ont amené Estelle Inack à fonder une entreprise — consiste à recourir au recuit variationnel. Mme Inack et ses collaborateurs ont mis au point un réseau neuronal qui peut effectuer à la fois un recuit simulé thermique et un recuit simulé quantique. Un article décrivant en détail leur découverte vient d'être publié dans Nature Machine Intelligence.

Mme Inack n’a toutefois pas attendu la publication de l’article pour commencer à commercialiser cette découverte. « Nous sommes en train de mettre sur pied l’entreprise, dit-elle. Nous participons à un programme d’accélération chez Creative Destruction Lab. Nous mettons à l’épreuve nos hypothèses concernant les marchés et la technologie, afin de valider le besoin commercial. C’est beaucoup de travail, mais c’est passionnant. »

Pour le moment, yiyaniQ is compte 2 personnes: Estelle Inack, cofondatrice et directrice technique, et un autre physicien, Behnam Javanparast, cofondateur et directeur général. M. Javanparast a obtenu un doctorat en physique de la matière condensée à l’Université de Waterloo et a de l’expérience dans le secteur financier. Juan Carrasquilla, adjoint invité à l’Institut Périmètre, agit comme conseiller scientifique.

Le projet initial des fondateurs de yiyaniQ est d’utiliser leur procédé pour accélérer l’établissement du prix de produits dérivés — un des problèmes les plus difficiles en finance. Ils n’ont pas décidé s’ils iront ensuite plus à fond dans le domaine de la finance où s’ils s’orienteront vers d’autres problèmes. Après tout, trouver la manière la moins énergivore de replier une protéine, ou le meilleur schéma de production d’électricité, ou la disposition la plus efficace d’un circuit intégré, reviennent dans chaque cas à résoudre des problèmes d’optimisation.

À vrai dire, si vous pouvez suivre plusieurs itinéraires en parallèle, les possibilités sont aussi vastes que les montagnes.

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

Pour de plus amples renseignements, veuillez vous adresser à :
Mike Brown
Gestionnaire, Communications et médias
416-797-9666