Alors qu’elle faisait ses études de premier cycle à Lyon, un professeur a suggéré à Maïté Dupuis de postuler à un stage d’été offert à l’Institut Périmètre. L’idée l’effrayait.
Ayant grandi dans la ville française de Besançon, Dupuis avait développé un intérêt marqué pour les sciences et les mathématiques, mais elle avait l’impression que son professeur surestimait son potentiel.
« Je ne savais même pas ce que signifiait être physicienne à l’époque », se souvient-elle.
Mais l’idée d’un lieu entièrement conçu pour faire avancer la science de pointe la fascinait. Malgré ses appréhensions, elle a pris un vol pour le Canada au printemps 2016.
« En arrivant à Périmètre, j’ai vu des tableaux noirs remplis d’équations, des gens qui collaboraient, qui posaient des questions », raconte-t-elle. « C’était fascinant. Je me suis dit : “C’est ça que je veux faire.” »
Elle a réalisé ce rêve. Maïté Dupuis est aujourd’hui directrice de la formation, de la sensibilisation scientifique et des programmes scientifiques à l’Institut Périmètre. Ce poste lui permet d’accueillir les nouveaux stagiaires à l’Institut — dont plusieurs arrivent avec les mêmes doutes et le même syndrome de l’imposteur qu’elle a ressentis — et de les accompagner dans leur parcours, de l’étudiant·e au chercheur ou à la chercheuse.
L’Institut Périmètre repose sur trois piliers — la recherche, la formation et la sensibilisation — et Dupuis est activement engagée dans chacun d’eux.
En tant que chercheuse, elle s’attaque à l’un des problèmes les plus fondamentaux — et les plus épineux — de toute la science : l’unification de la relativité générale d’Einstein avec les lois de la mécanique quantique.
« La gravité quantique, c’est la recherche des atomes de l’espace-temps », explique-t-elle. « De la même façon que la matière est composée d’atomes, on essaie de comprendre la géométrie quantique qui sous-tend l’espace et le temps eux-mêmes. L’Institut Périmètre est un véritable carrefour pour la gravité quantique. La plupart des gens dans ce domaine ont un lien avec cet endroit, que ce soit comme étudiant·e, postdoctorant·e ou visiteur·euse. Ça en fait un milieu très dynamique. »
Dupuis se spécialise dans un sous-domaine appelé gravité quantique à boucles, qui traite l’espace-temps comme une entité dynamique plutôt qu’un arrière-plan figé. Son travail vise à identifier les degrés de liberté fondamentaux de l’espace-temps et à les quantifier, afin de voir comment une géométrie quantique pourrait se manifester sous forme « d’atomes » d’espace-temps.
Elle conjugue ses recherches avec la responsabilité de superviser les programmes de formation et de sensibilisation de l’Institut, qui accueillent chaque année des centaines de participant·e·s du monde entier.
« La sensibilisation scientifique consiste vraiment à faire entrer la science — et l’enthousiasme qu’elle suscite — dans les salles de classe. Nous nous concentrons sur la formation des enseignant·e·s, afin qu’ils puissent intégrer la physique moderne dans leurs cours. »
Le programme EinsteinPlus, par exemple, propose aux enseignant·e·s du secondaire des outils d’enseignement immersifs et concrets qu’ils rapportent ensuite dans leurs écoles, pour les partager avec leurs élèves et collègues. Des centaines d’enseignant·e·s — et un nombre incalculable d’élèves — ont exploré des sujets de physique avancée de manière novatrice grâce à ce programme et à d’autres initiatives de sensibilisation de l’Institut Périmètre, souligne Dupuis.
« La sensibilisation est importante, car elle aide les gens à comprendre ce qu’est la science, ce qu’elle apporte à la société et pourquoi elle est essentielle. Si les gens comprennent la science, ils peuvent lui faire davantage confiance et interagir avec le monde de façon plus réfléchie. »
La partie de son travail qui lui procure la plus grande satisfaction est le mentorat et le soutien qu’elle apporte aux étudiant·e·s des programmes de maîtrise et de doctorat de l’Institut. Dupuis a enseigné des cours de cycles supérieurs pendant plusieurs années, apprenant à connaître chaque cohorte de jeunes physicien·ne·s brillants·es venu·e·s des quatre coins du monde.
« J’adore travailler avec les étudiant·e·s et les aider à faire le passage de l’apprentissage structuré à la recherche, où ils doivent formuler leurs propres questions et faire confiance à leurs capacités », dit-elle.
« Quand on est doctorant·e, il n’y a pas de guide étape par étape comme pour les devoirs. Il faut explorer des pistes, trouver ses ressources, et décider si on est sur la bonne voie. Ce n’est pas toujours facile. »
Rien dans le parcours de Dupuis n’a été facile jusqu’ici; c’est justement cette difficulté qui l’attire vers la physique théorique. Son cheminement scientifique — de l’étudiante à la chercheuse, de l’enseignante à la leader — lui a appris que ce sont souvent les plus grands défis qui mènent aux plus grandes récompenses.
« La science, c’est être curieux·se, poser de grandes questions et découvrir quelque chose que personne n’a encore vu », dit-elle. « C’est un processus d’apprentissage et de croissance, même lorsque les défis sont exigeants. »
À propos de l’IP
L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.
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