Laurent Freidel ne s’était pas destiné à devenir physicien théoricien.
Il voulait être écrivain. Et alpiniste globe-trotteur. Et musicien de jazz.
À sa grande surprise – et pour son plus grand bonheur –, la physique théorique lui a offert les mêmes plaisirs et défis que ces passions passées… et bien plus encore.
« Il y a quelque chose de paisible et d’honnête dans les mathématiques, dit-il. C’est difficile, mais d’une manière très simple — c’est un espace où je pouvais trouver de la clarté. »
Ce besoin de clarté a mené Freidel à un doctorat à l’École normale supérieure de Lyon, puis à un poste au sein du prestigieux CNRS dans les années 1990. Il a visité l’Institut Périmètre dès sa première année d’existence, et il a été si impressionné par son ambition et son audace qu’il a rapidement décidé de s’y joindre comme professeur.
« Quand je suis arrivé à Périmètre pour la première fois, c’était comme une utopie pour la physique », se souvient Freidel, près de 25 ans plus tard.
« C’était un lieu audacieux, débordant d’énergie et d’idées. Il n’y avait pas de postes permanents, pas d’orthodoxie — seulement cette volonté de bâtir quelque chose de nouveau. »
Freidel a choisi de se joindre à l’Institut parce qu’il y voyait un lieu propice à de véritables percées en gravité quantique — un domaine alors encore peu reconnu ou soutenu. À mesure que l’Institut recrutait de jeunes scientifiques ambitieux du monde entier, Freidel a collaboré au-delà des frontières disciplinaires, notamment avec des expert·e·s en information quantique et en fondements de la mécanique quantique.
« C’était un endroit unique, très audacieux, avec plein d’idées nouvelles et une énergie particulière », dit-il en évoquant les débuts de l’Institut, alors logé dans un ancien bureau de poste à Waterloo, en Ontario. « Faire partie de cette aventure au moment de la fondation, c’était vraiment quelque chose. »
Le fait d’avoir été plongé dans cette communauté et d’avoir contribué à sa croissance pendant plus de vingt ans a permis à Freidel de faire des avancées importantes — parfois inattendues — dans la résolution d’un casse-tête fondamental de la physique. Il est notamment à l’origine du modèle Freidel-Krasnov, qui utilise la « mousse de spin » pour décrire l’espace-temps comme un réseau d’états quantiques interconnectés.
« Au cœur de la gravité quantique se trouve l’unification de deux concepts fondamentaux », explique-t-il. « L’un provient des briques élémentaires de l’univers, l’autre de la totalité de l’univers. L’objectif est de trouver une synthèse – une dualité entre les deux. »
Trouver cette synthèse est loin d’être simple : la quête d’une théorie unifiée du tout est sans doute la plus grande question ouverte de la science, et les physicien·ne·s l’abordent sous de multiples angles.
L’outil principal que Freidel utilise actuellement pour relever ce défi est un cadre théorique appelé holographie locale, qui s’appuie sur le concept de symétrie. En physique, la symétrie est une forme d’ordre – une propriété qui reste inchangée sous diverses transformations.
Freidel utilise la symétrie comme un pont entre les mondes macroscopique et microscopique, en découpant l’espace-temps en systèmes locaux et en explorant les liens entre eux. En fin de compte, des recherches comme celles de Freidel — menées sous la bannière de ce que les physicien·ne·s appellent l’holographie — visent à comprendre la gravité quantique en simplifiant la complexité du problème.
Les énigmes de la gravité quantique sont extraordinairement complexes, et la plupart des tentatives pour les résoudre échouent avant de réussir. Pour Freidel, c’est précisément ce qui fait le charme du métier.
« Les échecs vous enseignent l’humilité, dit-il. Ils vous poussent à élargir votre esprit et à poser de meilleures questions. Parfois, il faut redevenir débutant, et c’est là que surgit la véritable compréhension. Être physicien théoricien, c’est être aventurier, philosophe, mathématicien, écrivain, informaticien — c’est assembler toutes ces facettes en quelque chose de porteur de sens. »
Freidel dit ne pas pouvoir imaginer un meilleur endroit que l’Institut Périmètre pour avoir passé la majeure partie de sa carrière en physique théorique, et il se réjouit de voir où cette aventure mènera ensuite.
« Ce lieu a gardé son esprit d’aventure, dit-il. Pour ce que je fais, c’est l’un des meilleurs endroits au monde. L’avenir et le succès de l’Institut me tiennent profondément à cœur. »
À propos de l’IP
L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.
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