Les gens de l’IP — Béatrice Bonga, exploratrice de la gravitation

Elle utilise le chef-d'œuvre centenaire d'Einstein pour jeter des regards neufs sur l’univers.

Béatrice Bonga a déjà vu l’infini en personne.

« Il y a quelques années, mon mari et moi avons traversé le Kansas lors d’un voyage de Chicago à San Francisco dans un véhicule récréatif, dit-elle. Il faut environ une journée pour traverser le Kansas. J’ai eu l’impression de vivre l’expérience de l’infini en traversant le Kansas. Et si le Kansas semble si grand, comment peut-on s’imaginer la grandeur de l’univers? » [traduction]

Elle ajoute que c’est la physique qui permet de saisir la grandeur et la beauté incroyables de l’univers. « On pourrait écrire toutes les équations de la relativité générale d’Einstein sur ce tableau, ajoute-t-elle. Il les a imaginées il y a plus de 100 ans, et nous en sommes toujours à essayer de comprendre toute la physique qu’elles décrivent. Nous allons en avoir encore pour un bon moment. La physique plus que tout permet de saisir beaucoup de choses. » [traduction]

Ces équations d’Einstein ont montré à Béatrice des choses merveilleuses, des choses qu’elle n’aurait jamais cru être capable de voir. Par exemple, des ondes gravitationnelles.

Mme Bonga est postdoctorante à l’Institut Périmètre et passionnée de tout ce qui touche à la relativité générale. Évidemment, elle connaissait les ondes gravitationnelles bien avant que l’équipe du LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory – Observatoire d'ondes gravitationnelles par interférométrie laser) abasourdisse le monde de la physique en détectant réellement de ces ondes il y a quelques années.

« Je savais que les ondes gravitationnelles devaient exister, se rappelle-t-elle. Je connaissais les preuves indirectes de leur existence. Je savais que je travaillais sur une théorie d’une grande beauté et d’une grande vérité. Mais je ne pensais jamais voir une onde gravitationnelle. Ou au mieux lorsque je serais plus vieille et que la technologie aurait progressé. » [traduction]

Elle n’était pas seule à avoir des doutes. « La moitié de la communauté scientifique croyait que l’on n’en détecterait jamais, et l’autre moitié que cela arriverait peut-être, mais seulement dans une vingtaine d’années. L’équipe du LIGO était quant à elle optimiste, mais mes professeurs disaient : ‘Ils auront besoin d’une précision époustouflante; je ne gagerais pas là-dessus.’ » [traduction]

Pourtant l’équipe du LIGO y est parvenue. Elle a détecté une onde gravitationnelle par la manière dont celle-ci a modifié d’une minuscule fraction du diamètre d’un proton la longueur d’un bras d’observation de 4 km. L’observation a eu lieu en septembre 2015, mais elle n’a été annoncée qu’en mars 2016.

Alors doctorante à l’Université d'État de Pennsylvanie, Béatrice Bonga faisait des recherches théoriques dans le même département que certains membres de l’équipe du LIGO. « Le jour où ils ont détecté pour la première fois une onde gravitationnelle, ils sont venus à notre séminaire. Ils étaient assis à l’arrière de la salle, rigolant et discutant entre eux. » [traduction]

Les scientifiques du LIGO aux côtés desquels elle travaillait n’ont pas vendu la mèche, mais le jour de l’annonce, ils se sont éclatés dans ce que Mme Bonga qualifie de gigantesque fête.

C’était impressionnant d’être aussi proche d’une découverte d’une telle ampleur. À partir de ce moment-là, tout le travail de Mme Bonga en physique a été motivé par l’émerveillement.

Une nouvelle résonance

Elle a été attirée par le sous-domaine de la relativité générale parce qu’elle aimait la manière dont la physique et la géométrie vont main dans la main. « La mathématique de la relativité générale est magnifique, dit-elle, et plusieurs des idées sont si simples qu’on peut les comprendre à l’aide de dessins. » Et la jeune chercheuse d’ajouter : « J’aime la façon dont la relativité générale nous force à réfléchir d’une manière révolutionnaire à des concepts auxquels nous sommes habitués. » Par exemple, avec la relativité générale, le temps qui nous est familier devient un espace-temps malléable, où les horloges vont plus lentement dans un fort champ gravitationnel. « On dirait de la science-fiction, mais c’est bien réel. On mesure cela. J’aime la manière dont ce domaine change constamment nos points de vue. » [traduction]

Béatrice Bonga, postdoctorante à l’Institut Périmètre[/caption]

Béatrice Bonga se sent chanceuse d’être là au bon moment. « J’étais dans ce domaine avant la détection d’ondes gravitationnelles, dit-elle. Et tout à coup, je me suis rendu compte que j’avais choisi un filon intéressant. » [traduction]

L’influx d’idées et d’énergie, et l’évolution rapide des événements, ont modifié quelque peu l’orientation de ses propres recherches. Elle effectue maintenant des calculs qui seront utiles un jour à un prochain détecteur d’ondes gravitationnelles. Appelé LISA (Laser Interferometer Space Antenna – Antenne spatiale à interféromètre laser), ce détecteur est formé de 3 vaisseaux spatiaux que l’Agence spatiale européenne prévoit lancer dans les années 2030. LISA observera des ondes gravitationnelles à des fréquences différentes de celles du LIGO, et observera donc des choses différentes. Les trous noirs supermassifs, comme celui qui est au centre de notre galaxie, constituent l’une de ses cibles principales. Il se pourrait que de plus petits trous noirs soient en orbite autour de ces immenses trous noirs. En principe, l’orbite de ces petits trous noirs devrait créer des ondes gravitationnelles, qui pourraient être détectées par LISA.

Mais Béatrice Bonga croit avoir trouvé une difficulté. Selon elle, le modèle de ce genre d’onde gravitationnelle suppose que seuls comptent le trou noir supermassif et le petit trou noir en orbite autour de lui. Mais en réalité, il y a beaucoup de choses au centre de la galaxie. « Plus on s’approche du centre de la galaxie, fait remarquer Mme Bonga, plus il est difficile de faire des observations. Nous ne connaissons même pas vraiment la répartition des étoiles dans cette région. Mais il est peu probable qu’il n’y ait qu’un gros trou noir, un petit trou noir, et rien d’autre. » [traduction]

Elle a décidé d’étudier ce qui se passerait s’il y avait un 3e trou noir dans le voisinage. Avec Huan Yang, professeur à l’Institut Périmètre, et Scott Hughes, du MIT, elle a découvert qu’un 3e trou noir pourrait introduire de fortes perturbations. « Son effet serait généralement petit, dit-elle, mais nous montrons qu’il ne serait pas toujours petit. » Les chercheurs ont trouvé des résonances dans le système. « Lorsque l’on a un effet de résonance, poursuit-elle, cela perturbe le système d’une manière inattendue, qui peut causer une modification de l’orbite du petit trou noir. »

Il s’agit d’une surprise, et de taille. « L’orbite du trou noir détermine l’allure de l’onde gravitationnelle, dit Mme Bonga. Nous avons besoin de modèles très exacts pour que LISA interprète correctement les données. De plus, si l’on pouvait détecter assez bien ces modifications, on pourrait, à l’inverse, obtenir des données sur les étoiles situées dans le voisinage du trou noir. C’est difficile d’avoir ce genre d’information à partir de toute autre observation. » [traduction]

Il s’agit d’une nouvelle fenêtre inattendue sur l’univers, ouverte par des équations et de l’imagination.

Béatrice Bonga est toujours fascinée par le pouvoir de la physique. « Je parle d’une étoile à neutrons ou d’un trou noir comme si de rien n’était, mais on ne peut probablement pas les imaginer mentalement, et sûrement pas les soumettre à des expériences sur la Terre. Mais pourtant, grâce à la physique, on peut arriver à les comprendre. » [traduction]

Et elle est avide de partager cette vision avec d’autres. Elle est l’une des scientifiques qui donnent du temps au sein de l’équipe de diffusion des connaissances de l’Institut Périmètre. On la voit dans certaines vidéos des ressources pédagogiques de l’Institut, et elle a rencontré des élèves du secondaire en visite à l’Institut et des gens venus assister à des conférences publiques.

« Environ la moitié de leurs questions est de nature scientifique, et la seconde moitié porte sur la vie d’un scientifique, dit-elle. Les gens sont très curieux à propos de ce que nous faisons vraiment. Et comme nous faisons des choses formidables, je suis heureuse de leur en faire part. » [traduction]

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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