Les trous noirs entrent en laboratoire

Un nouveau protocole met le paradoxe de l’information sur les trous noirs à l’épreuve dans un laboratoire et promet de faire progresser les technologies quantiques ici sur Terre.

Beni Yoshida, membre du corps professoral de l’Institut Périmètre et expert en information quantique, réfléchit aux secrets, aux vaisseaux spatiaux et aux trous noirs.

« Supposons que vous ayez un journal secret et que vous vouliez le détruire », dit-il. « Vous décidez que le moyen le plus sûr est de mettre votre vaisseau spatial sous tension et de le jeter dans un trou noir. Maintenant, j’arrive et je veux reconstituer ce qu’il y avait dans le journal. Est-ce possible? »

Cela peut sembler une question farfelue, mais elle n’est pas nouvelle. Les gens tentent de résoudre ce casse-tête depuis que Stephen Hawking l’a formulé pour la première fois il y a près de 50 ans. Yoshida dit maintenant avoir une réponse. C’est un oui.

De plus, c’est un oui qui peut enfin être testé.

Alors, malheureusement pour vos secrets, votre journal peut être récupéré. Heureusement pour la physique, le protocole développé par Yoshida pour récupérer l’information quantique des trous noirs est devenu un puissant outil expérimental. Cet outil peut être utilisé pour étudier de nombreux types de systèmes quantiques et pourrait un jour aider à créer des technologies quantiques pratiques.

Le paradoxe de l’information du trou noir

Cette question – savoir si l’information est perdue lorsqu’elle tombe dans un trou noir – oppose la gravité à la mécanique quantique. D’un point de vue gravitationnel, nous savons qu’une fois que votre journal a franchi l’horizon des événements du trou noir, il ne peut plus revenir. En revanche, la théorie quantique dit que l’information ne peut jamais être perdue. À première vue, les deux ne peuvent pas être vrais. Il ne s’agit donc pas seulement d’une énigme, mais d’un paradoxe : le paradoxe de l’information du trou noir.

Le paradoxe de l’information du trou noir occupe les physiciens depuis près d’un demi-siècle. Comme de nombreux domaines en difficulté en physique, c’est un domaine où des percées se produisent : l’énigme a permis des progrès dans tous les sous-domaines qu’elle touche.

Beni Yoshida n’était même pas né lorsque le paradoxe de l’information du trou noir a été développé. Mais cela fait des années qu’il est sur la piste de ce paradoxe. Ce travail l’a emmené – ainsi que le domaine – dans un long et surprenant voyage.

La première étape a été franchie en 2015, lorsque Yoshida et ses collaborateurs ont développé une preuve que l’information quantique s’échappe effectivement d’un trou noir.

La porte de sortie est le rayonnement de Hawking. Partout dans l’univers, même dans ce qui semble être un espace vide, les fluctuations quantiques créent des paires de particules/antiparticules. Habituellement, ces paires de particules apparaissent, puis s’annihilent et disparaissent à nouveau. À proximité des trous noirs, quelque chose de spécial se produit : une moitié de la paire tombe dans le trou noir et l’autre s’échappe. La preuve de Yoshida en 2015 montre que ces particules qui s’échappent contiennent une copie de toutes les informations qui tombent dans le trou noir.

Mais, bien sûr, il y a un énorme pas entre prouver que l’information quantique s’échappe et savoir comment récupérer ces informations déchiquetées et les recoller. Les chercheurs de tous les domaines étaient généralement pessimistes quant aux chances de réassemblage, mais en 2017, Yoshida et Alexei Kitaev de l’Institut de technologie de Californie ont développé un protocole pour récupérer les informations d’un trou noir.

Les preuves de 2015 et le protocole de 2017 sont tous deux basés sur la théorie de l’information quantique et impliquent spécifiquement un phénomène connu sous le nom de brouillage de l’information quantique, qui se produirait à l’intérieur des trous noirs.

Le brouillage quantique dans les trous noirs

Une image intuitive du « brouillage » pourrait ressembler à la cage pleine de boules numérotées utilisée dans les salles de bingo. Mais le brouillage quantique est différent : chaque « boule » est un qubit, et elle ne rebondit pas simplement, elle interagit avec d’autres qubits. Aucune analogie classique ne peut vraiment rendre compte de ce phénomène, mais cela ressemble plus à des boules de peinture qui rebondissent et se mélangent qu’à des numéros de bingo qui tombent. L’information, comme la peinture, se disperse à chaque rebond. Un physicien dirait que l’information devient moins localisée. C’est-à-dire que l’information ne peut plus être décrite en dessinant et en regardant une boule particulière.

À mesure que de plus en plus de qubits interagissent dans des systèmes plus vastes, l’information s’étale jusqu’à ce qu’elle soit entièrement mélangée, et que le système ne puisse être considéré que comme un tout. À l’intérieur d’un trou noir, on pense que toutes les informations quantiques sont complètement brouillées de cette façon.

On pourrait penser que ces informations brouillées sont perdues, mais en fait, elles sont codées dans des corrélations quantiques entre les particules à l’intérieur du trou noir. Elles sont également codées dans le système parallèle de particules libérées par le trou noir : le rayonnement Hawking de la preuve de Yoshida de 2015.

Le protocole de Yoshida de 2017 est un ensemble d’instructions mathématiques pour décoder ces informations brouillées.

Tester le brouillage des trous noirs – sans se rendre dans un trou noir

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