DE NOUVELLES LOIS DE LA DYNAMIQUE QUANTIQUE

Maintenant que nous avons découvert comment construire de grands systèmes quantiques, il nous faut savoir comment ils évoluent dans le temps. Faites connaissance avec Dmitry Abanin, professeur à l’Institut Périmètre, et avec ses nouvelles lois de la dynamique des systèmes quantiques à N corps.

Les physiciens ne savent pas grand-chose sur la manière dont les grands systèmes quantiques évoluent dans le temps. Il y a encore quelques années, ils ne pensaient pas avoir besoin de le savoir.

Les systèmes quantiques ont tendance à être petits plutôt que grands. Lorsque l’on considère seulement quelques atomes à la fois, on peut voir des effets quantiques comme la superposition (particules qui semblent être dans deux états à la fois) ou l’intrication (particules qui semblent s’influencer mutuellement, de manière instantanée et à distance). Lorsqu’il y a un grand nombre d’atomes, ces effets étranges semblent disparaître.

Ce processus – cette disparition, sous l’effet de la moyenne, des effets quantiques et d’autres caractéristiques intéressantes – s’appelle la thermalisation. Les physiciens ont récemment fait des progrès pour comprendre les causes de la thermalisation des systèmes conventionnels à N corps, et comment la mécanique statistique émerge d’une description quantique microscopique. C’est complexe, mais on peut résumer en disant qu’un système de nombreuses particules arrive rapidement à un état d’équilibre. Cet état d’équilibre semble classique et peut être décrit de manière complète par la théorie classique de la mécanique statistique. C’est comme si les interactions entre les particules faisaient disparaître toutes leurs propriétés quantiques.

Pour ce qui est de l’évolution dans le temps, la thermalisation s’effectue en général si rapidement que l’évolution des effets quantiques est pratiquement sans objet. Mais cela a changé lorsque des chercheurs ont découvert une classe de systèmes – possédant un fort degré de désordre – qui ne se thermalisent pas.

En trouvant de nouvelles manières d’isoler des systèmes quantiques de leur environnement, les chercheurs sont parvenus à créer et à étudier de tels systèmes en laboratoire. Par exemple, des chercheurs ont appris comment attraper des centaines d’atomes dans un piège magnétique, à les refroidir et à étudier leur évolution quantique. D’autres chercheurs ont trouvé, à l’intérieur de diamants spécialement préparés, de minuscules cavités contenant chacune un atome. Le spin de l’un de ces atomes n’interagit pas avec la cavité, mais il interagit avec le spin de l’atome contenu dans la cavité voisine – ce qui crée fondamentalement un système quantique de spins qui persiste dans le temps.

Ces types de systèmes – appelés techniquement systèmes localisés à N corps – constituent un domaine d’étude nouveau et passionnant. Leur intérêt réside non seulement dans le désir profond de comprendre le fonctionnement de la nature, mais aussi dans le besoin pressant de construire des systèmes quantiques durables, afin de s’en servir dans des processeurs quantiques. Pour pouvoir bénéficier des promesses de l’informatique quantique, la réalisation de systèmes quantiques à N corps est une étape préliminaire essentielle.

L’émergence de systèmes où les effets quantiques persistent dans le temps met en évidence notre ignorance à propos de l’évolution des systèmes quantiques – et nous donne la chance de remédier à cette ignorance en nous permettant enfin d’étudier de tels systèmes. Par exemple, nous avons appris que ces systèmes ne correspondent pas à nos connaissances actuelles en mécanique statistique. Il faut trouver de nouvelles lois de la dynamique.

D’où les travaux d’une équipe de chercheurs de l’Institut Périmètre.

Dans des articles récents parus dans la revue Physical Review Letters, Dmitry Abanin, professeur à l’Institut Périmètre, Zlatko Papić, postdoctorant à l’Institut Périmètre, et Maksym Serbyn (étudiant diplômé au MIT et chercheur invité à l’Institut Périmètre) décrivent les lois qui régissent la dynamique de systèmes quantiques désordonnés à N corps. Ces nouvelles lois de statistique quantique peuvent remplacer les lois traditionnelles de la mécanique statistique.

Il s’agit d’un résultat général, qui peut s’appliquer à tout système expérimental quantique à N corps possédant un fort degré de désordre. On s’attend à ce que ce résultat soit largement exploité, avec la création et l’étude par des chercheurs de nombreux systèmes de ce type.

Un résultat immédiat est contraire à l’intuition : « Le désordre peut être une bonne chose, affirme M. Abanin. Nous avons l’habitude de penser que, pour être cohérent pendant longtemps et être utile en informatique quantique, un système quantique doit être très froid et très pur. Mais nos nouvelles lois montrent que ce n’est pas nécessairement le cas. L’introduction de désordre dans le système peut en réalité en augmenter la durée de cohérence. » La durée de cohérence est le temps pendant lequel les effets quantiques persistent avant de disparaître.

« Je crois que c’est un résultat très intéressant, d’une grande portée, qui aura des applications dans de nombreux domaines, ajoute M. Abanin. Ces lois sont très différentes de celles de la mécanique statistique, mais elles sont aussi d’une surprenante simplicité. Cela leur confère une certaine beauté. Elles sont intimement liées à des questions concernant l’information quantique, la mécanique statistique et la matière condensée. » [traduction]

Ces questions sur la dynamique des systèmes quantiques à N corps sont fondamentales, mais mal étudiées – en grande partie parce que, pendant des années, nous n’avons pas eu affaire à des systèmes de ce type. « Nous avions l’habitude de voir la mécanique quantique dans un coin et la mécanique statistique dans un autre – mais il s’avère qu’il y a quelque chose d’étonnant entre les deux, explique Dmitry Abanin. Je crois que ce domaine de la dynamique des systèmes quantiques à N corps est très prometteur et qu’il ne pourra que croître. » [traduction]

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