À l’intersection de la théorie de l’information et des fondements quantiques
Le domaine des fondements quantiques est aux prises avec un problème inattendu : le défi du passage à une vitesse supérieure.
Pendant une grande partie de l’histoire de la physique quantique, la plupart des chercheurs voyaient une nette séparation entre la compréhension de ses fondements et ses applications. Mais cela a commencé à changer il y a 20 ans.
La théorie de l’information quantique est passée à l’avant-plan, et avec elle est venue l’idée que des phénomènes quantiques déroutants tels que l’intrication et la non-localité pourraient constituer la clé de la prochaine révolution technologique. Cela a amené de nombreux scientifiques à s’intéresser de nouveau aux composantes de base de la physique quantique et à reconsidérer ses fondements du point de vue de la théorie de l'information.
Un ouvrage récent édité sous la direction de Robert Spekkens, professeur à l’Institut Périmètre, et de Giulio Chiribella, professeur à l’Université de Hong Kong, adjoint invité à l’Institut Périmètre et chercheur mondial ICRA-Azrieli, vise à donner une vue d’ensemble de ces efforts et à fournir une feuille de route des orientations de recherche les plus prometteuses.
Une démarche pragmatique
Giulio Chiribella, théoricien des fondements quantiques[/caption]
La plupart des recherches dans le domaine adoptent une démarche « pragmatique », par laquelle les lois de la physique sont caractérisées selon les limites fondamentales de ce qui peut être connu et réalisé dans des expériences (par opposition à la tradition « dynamique », qui ne tient pas compte des agents humains ou des buts qu’ils visent).
Utilisant cette démarche pragmatique, des théoriciens ont défini les structures fondamentales qui sous-tendent la théorie de l’information quantique, établi ce qui fait fonctionner des applications aussi importantes que les algorithmes quantiques ultrarapides et la cryptographie quantique, et isolé les principes de base auxquels on peut faire appel pour élaborer de nouveaux protocoles et applications quantiques.
Les théories de remplacement ont émergé de ces travaux en tant qu’outils. Ces théories décrivent le monde tel qu’il aurait pu être si ce n’avait été de la mécanique quantique. Ces théories aident à notre compréhension de la mécanique quantique, en servant de toile de fond sur laquelle les caractéristiques distinctives de la mécanique quantique sont mises en relief.
Avec la croissance du domaine en taille et en popularité, on a assisté à une prolifération d’idées et résultats nouveaux. Mais cet intérêt accru a amené certaines difficultés. À cause de la diversité des démarches, il n’est pas facile d’avoir un portrait global de ce qui se passe dans le domaine, et avec l’apparition de connaissances et de langages spécialisés, les chercheurs risquent de perdre contact les uns avec les autres. Ces défis sont particulièrement importants pour les néophytes en physique quantique.
Percer le brouillard
En 2011, la conférence Conceptual Foundations and Foils for Quantum Information Processing (Fondements conceptuels et avancées du traitement de l’information quantique), tenue à l’Institut Périmètre, visait à percer ce brouillard. Réunissant toute la diversité des chercheurs travaillant sur le sujet — notamment des physiciens, des informaticiens et des mathématiciens —, la conférence a souligné à la fois le potentiel de la réunion de la théorie de l’information quantique et des fondements quantiques, ainsi que le besoin d’une vue d’ensemble du domaine et de ses objectifs.
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L’ouvrage Quantum Theory: Informational Foundations and Foils (Physique quantique : fondements de théorie de l’information et théories de remplacement), publié par Springer[/caption]
MM. Spekkens et Chiribella étaient 2 organisateurs de cette conférence. Leur ouvrage, intitulé Quantum Theory: Informational Foundations and Foils (Physique quantique : fondements de théorie de l’information et théories de remplacement) et publié par Springer, vise à montrer l’étendue du domaine et à faire ressortir des thèmes communs.
L’ouvrage comprend 14 contributions originales d’experts de premier plan en la matière. Certains des auteurs sont des chercheurs et des anciens de l’Institut Périmètre : Lucien Hardy, Christopher Fuchs, Markus Mueller et Roger Colbeck.
Les 29 auteurs ne cherchent pas à faire tomber la mécanique quantique. Au contraire, ils veulent établir des manières nouvelles et plus efficaces de réfléchir à son sujet.
La physique quantique est l’un des piliers de la science moderne. Elle a été testée à fond et avec beaucoup de succès. Selon les auteurs, en comprendre le cœur pourrait conduire à de nouvelles manières de s’attaquer aux problèmes les plus difficiles de la physique théorique.
Comme Lucien Hardy, professeur à l’Institut Périmètre, l’a écrit dans son chapitre, « c’est dans la découverte d’une nouvelle physique que nous pouvons attendre un réel rendement de ce programme » [traduction].
À propos de l’IP
L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.