Une vue inédite d’un pulsar
La danse de la mort d’une étoile à neutrons archidense et de sa naine brune partenaire vient de révéler les images les plus précises et spectaculaires jamais obtenues d’un pulsar.
Situé à environ 6 500 années-lumière, ce système stellaire binaire crée un effet de loupe qui a permis à une équipe de recherche canadienne de réaliser une observation historique avec une précision inégalée.
Robert Main, doctorant au Département d’astronomie et d’astrophysique de l’Université de Toronto[/caption]
Voir les émissions individuelles provenant de la surface d’un pulsar, c’est « comme voir d’ici une puce sur la surface de Pluton » [traduction], a déclaré Robert Main, doctorant à l’Université de Toronto et auteur principal de l’article.
Publiée la semaine dernière dans la revue Nature, cette découverte a été réalisée par une équipe de chercheurs de l’Université de Toronto, de l'Institut Dunlap d’astronomie et d’astrophysique, de l’Institut canadien d’astrophysique théorique et de l'Institut Périmètre.
L’équipe a observé une étoile double formée d’un pulsar (étoile à neutrons en rotation rapide, qui émet un rayonnement à partir de ses pôles) et d’une naine brune plus froide. Comme les 2 étoiles sont en orbite l’une autour de l’autre, le rayonnement intense du pulsar arrache des matériaux de la naine brune. Ces matériaux forment une traînée de plasma qui ressemble à la queue d’une comète. (Il se pourrait que le pulsar finisse par arracher tout le matériau de la naine brune et devienne ainsi ce que l’on surnomme une « veuve noire ».)
Les 2 étoiles sont alignées de telle sorte que, vu de la Terre, le pulsar est éclipsé au cours de cette danse par la naine brune. Lorsqu’il sort de l’éclipse, le pulsar passe derrière le plasma, qui agit comme une loupe et permet aux observateurs de voir les régions de ses émissions individuelles. (Renseignez-vous sur ces observations dans le site de l’Institut Dunlap.)
Ue-Li Pen, professeur associé à l’Institut Périmètre[/caption]
« Il s’agit d’un effet semblable à l’effet lenticulaire gravitationnel », explique Ue-Li Pen, professeur associé à l’Institut Périmètre. « Des perturbations du milieu peuvent faire courber la lumière, ce qui a pour effet de déformer et de magnifier les images transmises par cette lumière. » [traduction]
Même si l’effet lenticulaire gravitationnel est une technique d’observation bien connue, c’est la première fois qu’un effet lenticulaire dû au plasma permet d’effectuer une observation avec une telle précision.
Ce résultat pourrait également jeter un éclairage sur les sursauts radio rapides — mystérieux ensembles de signaux brefs et brillants, dont les astronomes n’ont pas encore identifié les sources de manière définitive. On connaît un seul signal radio rapide qui se répète. Ce signal est remarquablement semblable aux impulsions du pulsar amplifiées par l’effet lenticulaire. Il se pourrait donc que ce signal répété soit amplifié par le plasma de la galaxie d’où il provient.
Ue-Li Pen espère que le plasma du milieu interstellaire — le gaz qui occupe le vide entre les étoiles — amplifie les signaux d’autres pulsars dans l’avenir. L’exploitation de l’effet lenticulaire plasmatique pourrait non seulement aider les chercheurs à mieux comprendre la physique des étoiles à neutrons et des gaz ionisés, mais aussi avoir des répercussions au moins sur l’astrophysique des ondes gravitationnelles.
L’effet lenticulaire permet de calculer la distance exacte des pulsars, ce qui pourrait constituer une aubaine pour une méthode d’astrophysique des ondes gravitationnelles appelée réseau de chronométrie de pulsars. Avec cette technique, les pulsars agissent comme une sorte de télescope naturel : toute anomalie de leurs émissions régulières et précises peut être le signe d’une interaction avec des ondes gravitationnelles.
« Le milieu interstellaire est omniprésent. Et tous les pulsars scintillent, ce qui signifie qu’ils sont amplifiés par le milieu interstellaire, dit M. Pen. S’il y a une lentille, on peut trouver la source par triangulation. » [traduction]
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