Un premier aperçu de la « rampe de lancement » d’un trou noir

account_circle Par Liz Goheen
Il y a quelque chose d’étrange à propos des trous noirs : ils brillent. Le dernier numéro de Science Express, la publication en ligne qui précède la parution de la revue Science, contient un article de l’équipe du télescope Event Horizon – à laquelle appartient Avery Broderick, professeur associé à l’Institut Périmètre – qui pourrait jeter un éclairage sur l’origine des jets brillants émis par certains trous noirs. Pour la première fois de l’histoire, l’équipe a pu observer un trou noir éloigné et déterminer la région à partir de laquelle ses jets sont émis. Il s’agit de la première preuve empirique des liens que l’on soupçonnait sur le plan théorique entre la rotation d’un trou noir et les jets qu’il émet.

De nombreuses galaxies, dont notre Voie lactée, possèdent un immense trou noir caché en leur sein. Dans environ 10 % de ces galaxies, le trou noir émet des jets énormes et denses d’électrons et d’autres particules subatomiques voyageant à une vitesse qui approche celle de la lumière. Ces puissants jets peuvent s’étendre sur des centaines de milliers d’années-lumière, et être à eux seuls plus brillants que tout le reste de leur galaxie.

Et pourtant, on en sait peu sur la manière dont ces jets sont formés. L’équipe du télescope Event Horizon essaie d’en apprendre davantage. En combinant et en comparant les données de trois radiotélescopes, elle commence à se représenter pour la première fois la base d’un tel jet – sa rampe de lancement.

Sous la coordination de Shep Doeleman, de l’observatoire Haystack du MIT, l’équipe s’est servie du télescope Event Horizon, qui est en fait un réseau de trois radiotélescopes installés en trois points différents de la Terre. Son objet d’étude est M87, une galaxie elliptique géante située à un peu plus de 50 années-lumière de notre propre galaxie. Pour une galaxie, c’est proche, mais c’est quand même loin si l’on considère que l’horizon du trou noir représenté par l’équipe a environ la taille d’un simple système solaire. C’est comme si le télescope pouvait distinguer une graine de coquelicot à l’autre bout d’un continent ou un pamplemousse sur la Lune. « C’est parmi les résolutions les plus grandes jamais obtenues dans l’histoire de la science » [traduction], explique Avery Broderick.

M. Broderick résume ainsi le problème résolu par l’équipe : « Les trous noirs sont censés absorber tout ce qui s’en approche, mais nous voyons ces jets en sortir avec une énergie énorme. D’où vient toute cette énergie? » [traduction]

Il y a deux possibilités : premièrement, un trou noir constitue en lui-même un grand réservoir d’énergie – un trou noir en rotation possède une énergie rotationnelle énorme qui pourrait alimenter les jets; deuxièmement, l’énergie pourrait venir du processus d’accrétion – le disque d’accrétion est la spirale de matière poussiéreuse qui tombe dans le trou noir, et la physique de l’accrétion n’est pas encore bien comprise.

À partir des nouvelles données venant de M87, des théoriciens comme Avery Broderick peuvent commencer à voir la différence entre les modèles de jets alimentés par le trou noir et de jets alimentés par l’accrétion. L’image n’est pas encore nette – elle se forme pixel par pixel – mais, comme le dit M. Broderick, « il suffit de pouvoir distinguer votre mère de votre fille » [traduction]. Les images sur lesquelles l’équipe travaille permettent de commencer à distinguer l’origine des jets ultrarelativistes.

« La première chose que nous avons apprise, c’est que la région de lancement est très petite » [traduction], explique-t-il. Les jets viennent d’un endroit situé tout près de l’horizon des événements : le point de non-retour où même la lumière des objets qui tombent dans le trou noir est perdue. Bien que cela ne soit pas tout à fait suffisant pour exclure l’idée que les jets pourraient être alimentés par la physique de l’accrétion, il est clair que l’énergie vient soit du trou noir, soit des processus d’accrétion qui surviennent tout près du trou noir.

« Nous commençons à voir que la rotation joue un rôle dans la production des jets, poursuit M. Broderick. Non seulement nous pouvons dire que les jets prennent naissance près du trou noir, mais comme la région d’émission est très petite, ils doivent venir d’un trou noir en rotation.

« Le trou noir est réellement le moteur qui alimente les jets, ajoute-t-il. C’est quelque chose d’extraordinaire. » [traduction].

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