Un chanteur explique les ondes gravitationnelles d’une manière irrésistible
L’annonce historique le mois dernier de la détection d’ondes gravitationnelles par le LIGO a propagé des ondes d’enthousiasme dans le monde entier.
Confirmation éblouissante de la relativité générale d’Einstein, cette découverte a marqué l’aube d’une nouvelle ère de l’astronomie.
Pour Tim Blais, à la fois cerveau et voix polyvalente du populaire canal YouTube A Capella Science, elle a aussi été une invitation à la créativité.
L’Institut Périmètre a conclu un partenariat avec Tim Blais pour la création de sa plus récente parodie intitulée LIGO Feel That Space (sur l’air de la chanson Can’t Feel My Face d’Abel Makkonen Tesfaye, mieux connu sous son nom de scène The Weeknd).
Visionnez cette œuvre, puis lisez ci-après l’entrevue accordée par Tim Blais à l’Institut Périmètre à propos de son créneau original qui réunit musique pop et science fondamentale.
Entrevue avec Tim Blais, maître d’œuvre d’A Capella Science
Institut Périmètre : Comment et pourquoi A Capella Science est-il venu au monde?
Tim Blais : L’idée m’est venue un soir pendant que je travaillais sur ma maîtrise en physique. Ma capacité de concentration est horrible, et le temps passé à mon bureau consistait comme toujours en un tiers de travail et deux tiers de distraction. À un moment donné, je passais du temps à regarder des vidéos de chansons a cappella dans YouTube et je me disais : « Je pourrais, je devrais faire la même chose! » Je me suis rendu compte que j’avais une combinaison unique de connaissances en sciences et en musique, et je n’avais vu personne l’exploiter comme j’aurais pu le faire. Cela donne un indice de la véritable origine d’A Capella Science : toutes les expériences que j’ai vécues et qui ont abouti à cet ensemble d’intérêts et d’aptitudes. On pourrait remonter jusqu’à ma tendre enfance, alors qu’à 3 ans j’ai commencé à chanter dans la chorale d’église de ma mère et découvert en même temps l’émission télévisée Bill Nye the Science Guy.
IP : Quelles surprises et récompenses ce projet vous a-t-il apportées?
TB : Eh bien, je ne pensais jamais gagner ma vie avec cela, et c’est donc une bonne surprise! Plus sérieusement, tout cela a été surprenant dès le départ. En général, c’est très difficile pour un artiste d’être découvert, de sorte que je m’attendais à produire beaucoup de vidéos dans l’anonymat avant que quelqu’un ne s’y intéresse, ce qui pouvait ne jamais arriver. Au lieu de cela, ma toute première vidéo Rolling in the Higgs (parodie de la chanson Rolling in the Deep d’Adele), est devenue virale dans la foulée de la découverte du boson de Higgs en 2012. Après coup, c’est même un peu embarrassant : si j’avais su que tant de gens verraient cette vidéo, j’aurais fait un effort pour mieux chanter!
Mis à part cela, ce projet a assurément rendu ma vie intéressante. J’ai fait une tournée en autobus avec Thomas Dolby, pionnier de la synthpop; j’ai rencontré certains de mes youtoubeurs favoris comme Henry Reich de MinutePhysics (et ancien étudiant à l’Institut Périmètre); l’an dernier j’ai participé à l’émission de téléréalité Canada’s Smartest Person de CBC, et j’y ai rencontré certaines des personnes les plus extraordinaires que je connaisse. Mais le plus satisfaisant est l’ensemble des commentaires et du soutien que je reçois de gens qui regardent et qui aiment A Capella Science. Quelqu’un que je n’ai jamais rencontré m’a récemment envoyé un courriel disant que lui, sa femme et leurs 2 enfants chantent Bohemian Gravity à 4 voix. Peut-on espérer mieux que cela?
IP : Quel processus mène à la production d’une chanson et d’une vidéo?
TB : Ça commence par une bonne idée, ce qui est vraiment difficile à avoir sur demande. Je fais constamment des recherches, pensant à des sujets qui m’intéressent et à des chansons que j’aime, et de temps à autre quelque chose émerge de cette soupe de possibilités et flotte à la surface. Une fois l’idée trouvée, je me mets à faire des recherches en profondeur, et je me laisse imprégner par les thèmes et concepts les plus importants. Souvent, de bons jeux de mots ou des lignes d’une chanson me viennent à l’idée pendant ce processus. Je les note jusqu’à ce que j’aie mis des paroles sur toute la chanson. Il y a ensuite toute l’exécution et la partie technique de la production elle-même : pendant plusieurs semaines, je m’enferme dans ma chambre-studio-d’enregistrement, et mes colocataires entendent beaucoup de sons étranges à travers les murs. Je ne vais pas vous ennuyer avec tous les détails de production, mais cela prend en tout quelques centaines d’heures (visionnez une vidéo sur les coulisses de la production d’Eminemium).
IP : Vous avez dit que l’Institut Périmètre a influencé ou inspiré une partie de votre travail. Comment cela est-il arrivé?
TB : J’ai eu la chance de passer quelques jours à l’Institut Périmètre l’été dernier pour la conférence Convergence, et j’ai beaucoup aimé cela! Une chose qui m’a manqué depuis 3 ans que je ne suis plus dans le milieu universitaire, c’est de ne plus être connecté à ce qui se fait à la fine pointe de la physique et de ne plus fréquenter des gens qui se creusent les méninges à propos de notions et de découvertes des plus passionnantes. D’après moi, le seul fait d’avoir des conversations fascinantes avec des gens intelligents améliore le fonctionnement du cerveau. Pendant mon séjour à l’Institut Périmètre, j’ai terminé l’écriture de 2 chansons même si aucune d’elles ne portait sur des sujets abordés lors de la conférence. Et, bien entendu, j’en suis ressorti avec 2 ou 3 idées complètement nouvelles. J’aime la facilité qu’offre l’Institut Périmètre de rencontrer des gens, de savoir sur quoi ils travaillent et d’échanger des idées.
IP : Qu’espérez-vous accomplir avec votre travail? Où voulez-vous le faire aboutir dans l’avenir?
TB : C’est amusant : quand j’ai commencé, je ne savais vraiment pas qui pourrait être intéressé par ce projet. La réponse semble être « une variété surprenante de personnes ». Je reçois des messages d’ingénieurs et de professeurs expérimentés qui disent aimer ce que je fais, mais aussi d’enseignants et de parents disant que j’ai inspiré un de leurs élèves ou leur enfant âgé de 8 ans. Je n’avais pas de tel objectif. J’ai eu simplement l’idée de combiner des choses qui m’intéressaient — la musique, YouTube et la physique théorique — pour produire quelque chose qui méritait d’après moi d’exister. Quand on aime vraiment ce que l’on fait, je crois que les gens le ressentent et réagissent à cela. Je pense donc que je vais continuer de rechercher des choses qui m’enthousiasment, que ce soit la mise en scène de la musique, la réalité virtuelle, le hip-hop, la philosophie ou le chant choral du XVIe siècle. Sans oublier les frontières de la science. Restez à l’écoute!
IP : Y a-t-il autre chose que vous aimeriez nous dire? Ne vous gênez pas!
TB : J’essaie toujours d’encourager les gens, en particulier les jeunes, à vivre passionnément ce qui les fascine. Que ce soit, leur emploi, leurs études, une carrière en devenir, ou rien de cela. Je serai toujours passionné de physique : il y a 3 ans et demi, je suis resté debout jusqu’à 4 heures du matin pour voir l’annonce de la découverte du boson de Higgs au LHC; le mois dernier, j’ai tout laissé tomber pour voir l’annonce de la détection d’ondes gravitationnelles par le LIGO. Mais je serai aussi un musicien, un performeur, un auteur et un humoriste.
Ma vie serait beaucoup moins satisfaisante si je me limitais à un seul aspect de ma personnalité. Je sais que j’ai de la chance de pouvoir combiner toutes ces facettes de moi-même en une seule activité. Après tout, il y a 10 ans, la profession de « youtoubeur » n’existait pas; et dans 10 ans, une partie de vous-même que vous croyez à jamais inutile pourrait devenir exactement ce dont vous avez besoin.
Vous pouvez visionner toutes les vidéos de Tim Blais, alias A Capella Science, sur son canal YouTube, ou consulter sa page de sociofinancement pour savoir comment appuyer ses prochaines productions.
À propos de l’IP
L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.