Atténuation du principe d’incertitude d’Heisenberg

Un article récent dont Roger Colbeck, postdoctorant à l’IP, est l’un des auteurs, a atténué de beaucoup le principe d’incertitude d’Heisenberg dans certaines situations.Un article récent dont Roger Colbeck, postdoctorant à l’IP, est l’un des auteurs, a atténué de beaucoup le principe d’incertitude d’Heisenberg dans certaines situations.

Un article récemment publié dans Nature Physics par Roger Colbeck, postdoctorant à l’IP, et des collègues de plusieurs universités européennes, a de beaucoup atténué le principe d’incertitude d’Heisenberg — l’une des caractéristiques centrales (et les plus étranges) de la physique quantique — dans certaines situations.

L’une des questions abordées par le principe d’incertitude est de savoir s’il est possible de prédire à la fois la position et la quantité de mouvement (ou d’autres paires de grandeurs observables) d’une particule subatomique. Dans sa formulation d’origine, le principe d’incertitude implique que cela n’est pas possible. Cependant, l’article montre que, en présence d’une mémoire quantique, c’est-à-dire un dispositif capable de stocker de manière fiable des états quantiques, il est possible de prédire les deux grandeurs avec précision. Des recherches intensives visent actuellement à produire une telle mémoire, et l’on espère que cela se réalisera dans un proche avenir.

Pour illustrer les principales idées des auteurs, l’article présente un « jeu d’incertitude » imaginaire dans lequel deux personnes, Alice et Bob, s’entendent en premier lieu sur deux mesures, R et S, dont l’une sera effectuée. Bob prépare ensuite une particule dans un état quantique de son choix. Sans dire à Alice ce qu’il a fait, il envoie à Alice la particule (par le truchement d’un canal). Alice effectue l’une des deux mesures (choisie au hasard) et dit à Bob quelle grandeur elle a mesurée, mais non la valeur de cette mesure. Bob veut deviner correctement la valeur de cette mesure. Si Bob ne disposait que d’une mémoire classique (p. ex. un morceau de papier), il ne pourrait pas deviner correctement chaque fois la valeur — c’est ce qu’implique le principe d’incertitude d’Heisenberg. Par contre, si Bob parvient à intriquer la particule qu’il envoie dans une mémoire quantique, pour toute mesure effectuée par Alice, il existe une mesure sur la mémoire de Bob qui lui donne toujours le même résultat. Il n’y a plus d’incertitude.

 

Illustrative diagram of Alice and Bob uncertainty game

 

L’article fournit une nouvelle relation d’incertitude valable en présence d’une mémoire quantique. Plus précisément, il prouve quelle est la borne inférieure des incertitudes sur le résultat des mesures. Celle-ci dépend du degré d’intricationi entre la particule qui fait l’objet des mesures et la mémoire quantique. Cela avait été conjecturé en 2008 par J.C. Boileau, ancien chercheur à l’IP, et J.M. Renes (

), mais était resté non prouvé jusqu’aux travaux de Roger Colbeck et de ses collègues.

Ces recherches ont un certain nombre d’applications possibles, notamment dans le domaine en plein essor de la cryptographie quantique. Même si l’on s’est rendu compte dès les années 1970 que le principe d’incertitude pouvait servir de base à des communications ultra-sûres, la plupart des méthodes de cryptographie quantique n’y ont pas fait à ce jour directement appel. Les résultats de ces recherches pourraient aussi donner une nouvelle manière de « voir » une intrication. La création d’états d’intrication entre des particules (par exemple des photons) est notoirement difficile. De plus, une fois qu’ils sont créés, ces états sont facilement détruits par le bruit ambiant. Un moyen plus simple de voir ces intrications pourrait être très utile pour les expérimentateurs cherchant à produire cette précieuse ressource, étape obligatoire de la mise au point d’ordinateurs quantiques.

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i L’intrication est une propriété de deux (ou plusieurs) particules qui relie celles-ci de telle manière que, lorsque l’on mesure une particule, l’état de l’autre devient parfaitement défini (peu importe quelle distance sépare les deux particules). Certaines propriétés observables des particules sont communes, en ce sens qu’une mesure d’une telle propriété sur l’une de ces particules donne automatiquement la valeur de cette propriété pour l’autre particule. Cependant, il est impossible d’expliquer de manière classique ces corrélations, qui sont souvent qualifiées de corrélations non locales. Même si elle est contraire à l’intuition, l’existence de l’intrication a été maintes fois confirmée de manière expérimentale.

 

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