Les trous noirs bientôt visibles en gros plan

Une nouvelle méthode mise au point par des chercheurs de l’Institut Périmètre pourrait faire sortir de l’ombre les insaisissables trous noirs.

Les trous noirs sont insaisissables, mais ils ne sont pas rares. Comme des créatures nocturnes parfaitement camouflées dans la nuit, ils sont excessivement difficiles à détecter.

Certains se révèlent en dévorant une étoile ou d’autres matériaux de leur voisinage. Cela crée un tourbillon surchauffé qui brille au moment du passage du point de non-retour du trou noir.

Parfois, 2 trous noirs tournoient de plus en plus près l’un autour de l’autre, jusqu’à ce que la collision finale produise des ondes gravitationnelles, ondulations de l’espace-temps semblables à celles qui ont été mesurées pour la première fois par le LIGO (Laser Interferometer Gravitational-wave Observatory – Observatoire d'ondes gravitationnelles par interféromètre laser).

Mais de tels événements sont rares. Qu’en est-il des nombreux autres trous noirs qui filent seuls dans notre galaxie? Sans les cataclysmes décrits ci-dessus, ils demeurent invisibles pour nous, car ils n’émettent ni ne réfléchissent aucune lumière.

Mais ils pourraient bientôt sortir de l’ombre, grâce à des recherches dirigées par Avery Broderick, professeur associé à l’Institut Périmètre et à l’Université de Waterloo, et par le doctorant Mansour Karami.

En combinant 2 outils standard utilisés aujourd’hui en astrophysique, les chercheurs estiment qu’ils auront doublé d’ici 2 ans le nombre de trous noirs galactiques connus. D’ici une dizaine d’années, ils s’attendent à avoir accumulé des données sur un nombre suffisant de trous noirs pour pouvoir faire des analyses statistiques de leurs propriétés en tant que population, et étudier ainsi les trous noirs à divers stades qui peuvent s’étendre sur des milliards d’années.

Leur méthode, publiée cette semaine dans The Astrophysical Journal, a des conséquences dans le domaine nouveau de l’astronomie des ondes gravitationnelles, de même que sur la manière dont nous recherchons des trous noirs et d’autres objets sombres dans l’espace.

M. Broderick a déclaré à propos de leur proposition : « Elle ne sera pas limitée à un scénario particulier de formation comme la fusion de 2 trous noirs. Elle permettra de trouver des trous noirs galactiques ayant diverses formes, dimensions et relations avec d’autres objets. » [traduction]

Leur méthode fait appel à l’effet lenticulaire gravitationnel, qui survient lorsqu’un objet sombre, par exemple un trou noir, passe devant une source lumineuse telle qu’une étoile. Sur son trajet vers la Terre, la lumière de l’étoile est déviée au voisinage du champ gravitationnel de l’objet sombre.

Les scientifiques utilisent généralement l’effet lenticulaire pour rechercher des planètes dans de grandes parties de notre galaxie, en étant à l’affût d’étoiles qui s’allument comme des lucioles dans la nuit. Mais même les plus grands télescopes qui observent des cas d’effet lenticulaire dans la partie visible du spectre ont une résolution limitée. Ils ne permettent donc de voir qu’une seule tache lumineuse, dont on ne peut mesurer que la luminosité totale, et cela donne bien peu d’information sur l’objet qui est passé devant l’étoile.

Au lieu de travailler avec la lumière visible, Avery Broderick et son équipe proposent d’utiliser des ondes radio pour obtenir en temps réel de multiples instantanés de cas d’effet lenticulaire — essentiellement un film donnant beaucoup plus d’information qu’une simple courbe de luminosité.

« Lorsqu’on observe un même événement à l’aide d’un radiotélescope — par interférométrie —, on peut effectivement obtenir plus d’une image, a déclaré M. Karami. Cela nous permet d’obtenir toutes sortes de paramètres comme la masse, la distance et la vitesse. » [traduction]

Avec de modestes améliorations, ils espèrent profiter de réseaux actuels de détection d’ondes radio tels que le VLBA (Very Long Baseline Array – Réseau à très longue base). Au lieu d’utiliser des étoiles comme source « lumineuse » à l’arrière-plan, ils pourraient étudier des cas d’effet lenticulaire avec d’autres objets émetteurs d’ondes radio, par exemple des quasars.

Avery Broderick et Mansour Karami estiment que leur méthode permettra de détecter environ 10 trous noirs par année, ce qui doublerait en 2 ans le nombre de trous noirs actuellement connus, et que l’on pourra connaître d’ici une dizaine d’années l’histoire galactique des trous noirs.

« Depuis 10 000 ans, les astronomes étudient le côté lumineux de l’univers, a déclaré M. Broderick. Avec les ondes gravitationnelles, nous venons tout juste de commencer à étudier son côté sombre. Ce projet réunit les deux volets de cette quête. » [traduction]

– Article rédigé conjointement par l’Institut Périmètre et l’Université de Waterloo

Ce projet a été appuyé en partie par une subvention à la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Les autres auteurs de l’article sont Sohrab Rahvar, de l’Institut Périmètre et de l’Université Sharif de technologie, en Iran, et Mark Reid, du Centre Harvard-Smithsonian d’astrophysique, aux États-Unis.

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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