Le temps est un élément essentiel
Pas moins de 100 métronomes formaient en cliquetant un chœur chaotique, certains dans un lent staccato, d’autres dans un roulement frénétique. Ensemble, ils faisaient vibrer l’atrium de l’Institut Périmètre d’une polyrythmie originale.
L’exécution de Poème Symphonique, œuvre pour 100 métronomes composée par György Ligeti en 1962, constituait un intermède approprié lors de la conférence Time in Cosmology (Le temps en cosmologie), qui a réuni en juin des dizaines de grands penseurs venus de domaines tels que la physique, la philosophie, la biologie, et bien d’autres.
C’était un rassemblement de voix délibérément décalées, un tout plus grand que la somme de ses parties, où les monologues savants ont fait place à un dialogue vivant.
À cette conférence sur le temps en cosmologie, les longs exposés habituels sur de récentes recherches n’étaient pas les bienvenus. On posait de grandes questions, on avançait des réponses aussitôt remises en cause, ce qui lançait des débats conviviaux.
Pour Lee Smolin, membre fondateur du corps professoral de l’Institut Périmètre et co-organisateur de la conférence, il fallait susciter de nouvelles manières de penser en bousculant les conventions des rencontres traditionnelles.
« Pour débattre de ces questions, nous avons réuni des experts ayant des points de vue très différents, dans une ambiance sérieuse mais amicale et constructive, pour pouvoir réellement confronter des idées, peut-être en faire évoluer certaines, dans l’espoir de faire des progrès sur ces questions ardues. » [traduction]
De fait, ces questions sont si difficiles qu’elles sont étudiées, sous une forme ou sous une autre, depuis des millénaires. Pourquoi le temps semble-t-il évoluer dans une seule direction? Le temps est-il une composante fondamentale ou accessoire de l’univers? Ces questions transcendent les disciplines et exigent d’être abordées par des personnes d’horizons divers.
« Nous avons choisi les participants avec soin, selon leur capacité à apporter des points de vue différents, à offrir quelque chose de nouveau », a déclaré Marina Cortês, cosmologiste à l’Université d’Édimbourg et co-organisatrice de la conférence. « C’est beau de voir tant d’opinions différentes surgir à tout moment. J’espère que nous aurons dans l’avenir d’autres conférences de ce genre. » [traduction]
Pour Sean Carroll, professeur de physique à l’Institut de technologie de la Californie, la conférence a montré que, malgré la grande diversité des manières d’aborder la question du temps, des points communs émergent.
« J’ai toujours pensé que l’interaction entre la philosophie et la physique est absolument cruciale, a-t-il déclaré. Les philosophes et les physiciens se préoccupent des questions les plus profondes et les plus fondamentales. Leurs travaux sont motivés par la pure curiosité humaine : comment le monde fonctionne-t-il vraiment? » [traduction]
Au bout de 4 jours de discussions animées, les participants n’en sont pas arrivés à un consensus sur la nature du temps, mais personne ne s’attendait à ce que cela ait lieu. Mais ce qui s’est produit, c’est que les participants sont repartis avec des nouvelles idées, de nouveaux doutes, de nouveaux collaborateurs et de nouveaux défis à relever.
« Et c’est dans la nature de la science », a déclaré Carlo Rovelli, pionnier de la gravitation quantique à boucles. « La science est une question de doute, et non de certitude. En continuant de douter, le scientifique révise ses idées et s’approche d’une meilleure description du monde. Voilà comment fonctionne la science — elle tire son épingle du jeu de discussions animées. »
En ce sens, a ajouté M. Rovelli, la symphonie des métronomes était parfaitement adaptée à l’occasion : « En écoutant attentivement, on se rendait compte que les sons ne cessaient d’évoluer jusqu’à la toute fin. C’est la réunion de tous ces sons — parfois étranges — qui est intéressante. » [traduction]
À propos de l’IP
L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.