Des dés non pipés : selon de nouvelles recherches, la physique quantique est complète

« Non seulement Dieu joue aux dés avec l’univers, mais ses dés ne sont pas pipés. » [traduction] Nature Communications vient de publier un article de Roger Colbeck, postdoctorant à l’Institut Périmètre, prouvant qu’aucune extension de la mécanique quantique ne peut en améliorer le pouvoir prédictif.

Roger Colbeck affirme : « Non seulement Dieu joue aux dés avec l’univers, mais ses dés ne sont pas pipés. » [traduction]

Postdoctorant à l’Institut Périmètre de physique théorique, M. Colbeck vient de publier dans Nature Communications un article intitulé No extension of quantum theory can have improved predictive power (Aucune extension de la physique quantique ne peut en améliorer le pouvoir prédictif). « Si la théorie quantique est correcte, explique-t-il, il ne peut y avoir de meilleure description de ses résultats. » [traduction]

La nature probabiliste des prédictions de la mécanique quantique a d’abord troublé de nombreux scientifiques, dont Einstein, qui a formulé sa fameuse objection : « Dieu ne joue pas aux dés avec l’univers. » Dans les années 1930, Einstein, Podolsky et Rosen (entre autres) ont argué que si la mécanique quantique est une théorie correcte, il se pourrait qu’elle ne soit pas complète : il pourrait y avoir une réalité plus profonde – peut-être des variables cachées dont la mesure permettrait aux scientifiques de prédire des résultats sans l’incertitude quantique. Cette proposition est fameuse au point d’être appelée le paradoxe EPR (pour Einstein, Podolsky, Rosen).

Dans les années 1960, J.S. Bell a énoncé son théorème montrant qu’aucune variable locale cachée ne peut éliminer complètement l’incertitude de la mécanique quantique. Mais pourrait-elle l’éliminer en partie? Cette porte est restée entrouverte pendant un demi-siècle.

Roger Colbeck – qui a travaillé en collaboration avec Renato Renner, de l'École polytechnique fédérale de Zurich (ETH), en Suisse – vient de fermer la porte. Cette nouvelle recherche montre qu’aucune incertitude ne peut être éliminée.

Cette conclusion résulte en partie d’un lien avec la cryptographie quantique. Imaginons que deux personnes, Alice et Bob, essaient de définir une clé commune, que personne d’autre ne connaît, afin de s’envoyer des messages secrets. En cryptographie quantique, on pourrait produire cette clé en échangeant d’abord, puis en mesurant, un ensemble de particules intriquées. Si un « intrus » s’interpose entre Alice et Bob, la seule manière qu’il a d’obtenir de l’information sur la clé est de perturber l’intrication des particules. Alice et Bob peuvent donc détecter toute tentative d’interception.

Le plus fascinant pour M. Colbeck, c’est qu’Alice et Bob peuvent produire une clé sûre sans avoir besoin d’information sur le fonctionnement du dispositif de mesure. Dans un cas extrême, on pourrait imaginer que l’intrus réussit à s’emparer du dispositif et qu’il l’altère à sa manière. Il est remarquable que cela ne pose pas de problème : même si l’intrus conçoit et fournit lui-même le dispositif de mesure, Alice et Bob peuvent faire des tests établissant que les résultats de la mesure sont néanmoins sûrs.

C’est ce que l’on appelle un système indépendant des appareils et, selon Roger Colbeck, c’est là un outil puissant. En remplaçant « l’intrus » par « l’univers », le résultat d’une cryptographie indépendante des appareils peut servir à déduire un résultat dans le domaine des fondements quantiques.

Autrement dit, s’il y avait des variables cachées, comme le laisse entendre l’énoncé du paradoxe d’EPR, l’univers pourrait les utiliser pour déterminer le résultat de l’appareil. Comme ni rien ni personne ne peut prédire – ou même légèrement influencer – des résultats de cette manière, il n’y a donc aucune variable cachée, même une variable faible, et les prédictions quantiques en général ne peuvent donc être améliorées.

Pour en savoir plus

R. COLBECK et R. RENNER. « No extension of quantum theory can have improved predictive power », Nature Communications, vol. 2, article 411, 2 août 2011.

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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