Effets d’entraînement

Maintenant que nous avons détecté des ondes gravitationnelles, qu’est-ce que cela signifie pour la science?

Nées dans le tourbillon de 2 trous noirs en collision et projetées avec l’énergie combinée de toutes les étoiles, ces ondes gravitationnelles arpentent l’univers à toute vitesse depuis 1,3 milliard d’années.

Sur la Terre, les continents se sont formés. Des forêts humides sont apparues, ont grandi, ont disparu et se sont lentement transformées en charbon. Les dinosaures sont apparus, puis ont disparu. Les Mammifères ont pris une place de plus en plus importante.

Puis, en tout juste 100 ans, des êtres humains ont non seulement conçu l’existence possible d’ondes gravitationnelles, mais ils ont aussi mis au point des instruments incroyablement sensibles capables de les détecter.

Et pendant un test technique, 4 jours avant le lancement officiel de l’observatoire aLIGO (Advanced Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory – Observatoire avancé d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser), les ondes gravitationnelles mentionnées plus haut sont passées à travers la Terre — comme elles passent à travers n’importe quoi — et ont poursuivi leur chemin, insensibles à l’espace-temps qu’elles déforment si subtilement.

Les seules traces qu’elles ont laissées, le 14 septembre 2015, ont été un « souffle » enregistré par les 2 détecteurs du LIGO, l’euphorie d’un groupe de scientifiques et la question : « Et ensuite? ».

Même si les « bras » des détecteurs du LIGO sont immenses — 4 kilomètres chacun —, ils sont conçus pour détecter des modifications incroyablement minuscules dues aux ondes gravitationnelles qui les traversent : seulement un centième de millionième du diamètre d’un atome d’hydrogène.

Pour les physiciens théoriciens, c’est une situation exaltante et stimulante. « C’est un tableau complètement nouveau », déclare Latham Boyle, cosmologiste à l’Institut Périmètre. « À partir de maintenant, nous devons nous poser la question suivante à propos de tout processus astrophysique : si des ondes gravitationnelles sont produites par un tel événement, que pouvons-nous apprendre de plus? » [traduction]

Les ondes gravitationnelles sont des ondulations du tissu de l’espace-temps, créées lorsque 2 objets massifs — comme des trous noirs ou des étoiles à neutrons — se précipitent l’un sur l’autre en tournant à des vitesses extrêmement grandes et entrent en collision. L’énergie produite par ce genre d’événement est faramineuse, mais comme la gravité est une force infime, les ondes gravitationnelles qui en résultent ne sont détectables que par des instruments extrêmement sensibles.

L’existence de ces ondes est une extension logique de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Mais on sait que la relativité générale est déficiente, parce qu’elle ne se marie pas bien avec la mécanique quantique.

« C’est tout à fait passionnant. L’astronomie des ondes gravitationnelles nous permettra de vraiment mettre à l’épreuve la théorie d’Einstein à un point incroyable. » [traduction] – Luis Lehner, cosmologiste à l’Institut Périmètre

Des théoriciens tels que Luis Lehner, professeur à l’Institut Périmètre, s’intéressent maintenant aux ondes gravitationnelles comme moyen de mettre à l’épreuve la relativité générale dans des circonstances extrêmes et, le cas échéant, d’en trouver les failles. « Avec l’accumulation de données, dit-il, nous finirons peut-être par voir des écarts par rapport à la théorie, et cela pourrait nous guider dans la recherche d’une théorie de remplacement. » [traduction]

Les scientifiques du LIGO sont prêts à mettre immédiatement à profit la détection d’ondes gravitationnelles. Chad Hanna, ancien postdoctorant à l’Institut Périmètre, maintenant professeur adjoint à l’Université d’État de Pennsylvanie et membre de l’équipe du LIGO, affirme que des notifications en temps réel de la détection d’ondes gravitationnelles pourraient constituer une innovation importante.

« Nous pourrions alors informer d’autres astronomes, qui pointeraient leurs télescopes dans la direction de l’événement, en espérant que les ondes gravitationnelles aient un pendant électromagnétique », écrit M. Hanna dans un article pour le site TheConversation.com.

« Avoir les deux types d’information, c’est un peu comme avoir à la fois le son et l’image lorsque l’on regarde un film. » [traduction] Luis Lehner ajoute qu’une telle capacité pourrait diminuer de beaucoup le rôle du hasard en astronomie.

Selon Latham Boyle, les répercussions de tout cela se feront sentir dans de nombreux domaines, et non seulement dans la compréhension de la gravité en astrophysique. « Avant le développement de la radioastronomie, dit-il, les astronomes avaient généralement l’impression qu’elle n’en valait pas la peine parce qu’il n’y avait rien à voir. »

Au lieu de cela, les radiotélescopes ont permis de réaliser « un foisonnement de découvertes extraordinaires de toutes sortes », des pulsars aux quasars, en passant par le rayonnement fossile.

« La plupart des gens, y compris moi-même, ajoute M. Boyle, pensent maintenant que nous savons plus ou moins ce qu’il y a dans l’univers, et que les choses intéressantes captées par le LIGO seront 'simplement' des fusions de trous noirs formant d’autres trous noirs. Mais l’histoire montre que l’on découvre souvent des choses encore plus folles. » [traduction]

Et ces « choses encore plus folles » pourraient bien inclure la matière sombre et l’énergie sombre, qui constituent ensemble 94 % de l’univers. Comme son nom le laisse entendre, nous ne pouvons pas voir l’univers sombre, mais nous déduisons son existence de ses effets gravitationnels. Cet univers est donc un candidat parfait pour l’exploration à l’aide de l’astronomie des ondes gravitationnelles.

L’astrophysicien Avery Broderick, professeur adjoint à l’Université de Waterloo et professeur associé à l’Institut Périmètre, est vivement intéressé par cette nouvelle voie d’exploration et sur ce qu’elle pourrait révéler à propos de l’univers visible comme de l’univers sombre.

« Je serais surpris, dit-il, si un regard gravitationnel ne nous révélait pas l’univers sous un jour totalement différent. Il sera absolument crucial de tenter d’établir des liens entre l’astronomie des ondes gravitationnelles et celle des ondes électromagnétiques pour comprendre comment le côté sombre et le côté lumineux de l’univers vont ensemble. » [traduction]

Le LIGO n’est pas la seule installation tournée vers l’univers gravitationnel. D’autres dispositifs proposés — certains en cours de réalisation, d’autres à l’état de projet — visent différentes fréquences dans le spectre des ondes gravitationnelles.

Les détecteurs terrestres comme le LIGO, VIRGO et KAGRA visent les ondes gravitationnelles de haute fréquence (dont la période est de l’ordre de quelques millisecondes), par exemple celles qui résultent de la collision de 2 trous noirs.

D’autres expériences proposées portant sur les ondes gravitationnelles comprennent eLISA (evolved Laser Interferometer Space Antenna – Antenne spatiale à interférométrie laser évoluée), qui consiste à faire rebondir un rayon laser entre 3 satellites situés à des millions de kilomètres les uns des autres, afin de détecter de minuscules ondulations de l’espace.

Un interféromètre spatial appelé eLISA, planifié par l’Agence spatiale européenne, ciblera des ondes de basse fréquence dont la période va de quelques minutes à quelques heures, comme celles qui devraient être émises lors de la fusion de trous noirs supermassifs. (Une mission préparatoire, appelée LISA Pathfinder, a été lancée en décembre 2015.)

Une expérience d’un 3e type, appelée Pulsar Timing Array (Réseau de chronométrage de pulsars) vise à détecter des ondes gravitationnelles de très basse fréquence, dont la période va de quelques années à des décennies. Elle fait appel à des radiotélescopes pour surveiller les horloges les plus précises de l’univers : les pulsars millisecondes.

Pour les chercheurs en début de carrière, la détection réalisée par le LIGO constitue une occasion captivante. Asimina Arvanitaki, physicienne des particules à l’Institut Périmètre, a déjà proposé de nouvelles études de physique fondamentale. Selon elle, les ondes gravitationnelles constituent un nouvel outil que les scientifiques peuvent exploiter à d’autres fins.

« C’est vraiment la naissance d’un nouveau domaine, dit-elle. L’avenir est très prometteur. Nous ne savons pas ce que nous allons trouver. Chaque fois que nous avons observé l’univers avec des fréquences ou des ondes différentes, nous avons trouvé quelque chose de nouveau. Des surprises sont inévitables. » [traduction]

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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