De nouveaux résultats jettent de l'ombre sur la détection annoncée d'ondes gravitationnelles

De nouvelles mesures de la poussière galactique sèment le doute sur la détection d’ondes gravitationnelles annoncée en mars dernier.

Une région de l’espace au-dessus de l’Antarctique semble contenir plus de poussière que ce à quoi l’on s’attendait. Cela pourrait avoir amené un groupe d’astronomes à interpréter une contamination par de la poussière comme les ondulations constituant la signature de l’inflation cosmique, une expansion ultrarapide de l’univers qui, selon certaines théories, aurait eu lieu immédiatement après le Big Bang.

En mars dernier, l’équipe de l’expérience BICEP2 (Background Imaging of Cosmic Extragalactic Polarization – Représentation de la polarisation du rayonnement fossile extragalactique), télescope installé en Antarctique, annonçait avoir détecté ce qui semblait être le « mode B » primitif de polarisation de la lumière la plus ancienne de l’univers, le rayonnement fossile (ou fonds diffus cosmologique).

Cette annonce a beaucoup attiré l’attention parce qu’elle semblait appuyer fortement la théorie de l’inflation cosmique – selon laquelle l’univers a connu une période d’expansion accélérée dans le premier milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde après le Big Bang. Une expansion aussi explosive aurait produit des ondes gravitationnelles dans le vide, entraînant pendant longtemps une résonance de l’espace-temps lui-même – effet qui pourrait être détectable sous forme de faibles ondes gravitationnelles.

Mais les ondulations détectées par l’équipe de BICEP2 pourraient avoir une explication plus banale, selon de nouvelles données annoncées cette semaine par l’équipe de la mission du satellite Planck de l’Agence spatiale européenne.

La nouvelle carte de la poussière cosmique produite par cette équipe laisse entendre que les ondulations détectées par BICEP2 pourraient être entièrement dues à de la poussière galactique située dans une région de l’espace comprise entre le télescope BICEP2 et le plasma de l’univers primitif pour l’observation duquel ce télescope a été conçu.

Ces nouveaux résultats renforcent les doutes de certains cosmologistes, dont Neil Turok, directeur de l’Institut Périmètre, qui ont appelé à la prudence et au scepticisme après l’annonce des résultats de BICEP2 en mars. Avec son collaborateur Paul Steinhardt, Neil Turok a proposé des modèles cycliques de l’univers qui n’exigent pas de période d’expansion inflationnaire ultrarapide et qui ne produisent pas d’ondes gravitationnelles observables.

M. Turok déclare que, même si les mesures de BICEP2 pouvaient elles-mêmes être exactes, elles ne permettaient pas d’éliminer l’effet de la poussière parce qu’elles ne mesuraient le rayonnement qu’à une seule fréquence. Par conséquent, les résultats de BICEP2 n’ont jamais constitué une preuve convaincante de l’inflation cosmique.

« Les nouveaux résultats du satellite Planck démolissent la démonstration de l’existence d’ondes gravitationnelles primordiales » [traduction], a-t-il déclaré.

Les résultats de BICEP2 ont fait l’objet d’intenses discussions scientifiques depuis leur annonce. L’Institut Périmètre a accueilli la première conférence internationale sur le sujet, intitulée Implications of BICEP2 (Implications de l’expérience BICEP2), plusieurs semaines après cette annonce.

Dans un premier temps, l’équipe de BICEP2 a interprété ses mesures en disant qu’environ 20 % des ondulations mesurées dans le rayonnement fossile étaient dues à des ondes gravitationnelles. Il y avait toutefois une tension statistique entre cette interprétation et des mesures précédentes du satellite Planck, comme cela a été souligné dans un article de plusieurs chercheurs, dont Kendrick Smith, professeur à l’Institut Périmètre.

Neil Turok et Stephen Hawking ont fait il y a longtemps un pari à propos de la détection d’ondes gravitationnelles dans le rayonnement fossile. Stephen Hawking, qui avait prédit cette détection, a proclamé sa victoire après l’annonce faite en mars par l’équipe de BICEP2, mais Neil Turok n’a pas reconnu sa défaite. Par la suite, les deux hommes se sont entendus sur des termes précis : la somme en jeu est de 200 $ (canadiens); si des ondes gravitationnelles sont détectées au-delà du seuil convenu de 5 %, Stephen Hawking sera le vainqueur; par contre, si la limite de détection est inférieure à 5 %, ce qui pourrait arriver dans quelques mois lorsque les équipes de BICEP2 et du satellite Planck combineront leurs données, Stephen Hawking concédera la victoire.

Comme les nouvelles données du satellite Planck semblent limiter la contribution des ondes gravitationnelles à moins de 10 % des ondulations du rayonnement fossile, Neil Turok dit à la blague qu’il est déjà « à mi-chemin de la victoire » [traduction].

D’ici 3 à 5 ans, les observations devraient permettre de détecter des ondes gravitationnelles, si elles sont présentes, jusqu’au seuil de 1 %, déclare M. Turok, parce que de nombreux groupes d’expérimentateurs construisent maintenant des télescopes recherchant des signaux d’ondes gravitationnelles dans le rayonnement fossile.

« Évidemment, ce n’est pas le pari qui compte, ajoute-t-il. L’important est ce que nous apprenons sur ce qui s’est passé au moment du Big Bang, et nous finirons par avoir une théorie convaincante montrant que nous le comprenons vraiment. » [traduction]

Neil Turok a parlé de la nouvelle cette semaine sur BBC Radio 4.

– Colin Hunter

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