Comment le temps file : suivre la flèche du temps
Le temps poursuit son cours.
Vous savez, nous se sommes pas tout à fait certains des raisons pour lesquelles le temps va constamment vers l’avant, sans jamais faire demi-tour et retourner d’où il est venu. Peu importe où vous êtes dans l’univers, les horloges font toujours « tic-tac » et jamais « tac-tic ».
Les physiciens appellent cela la flèche du temps, et beaucoup de théories ont cherché à expliquer pourquoi ce n’est pas un boomerang.
Une explication répandue, appelée « hypothèse du passé », présume que l’univers a commencé dans un état très particulier de faible entropie – scénario limpide selon lequel le jeune univers était joliment ordonné avant de devenir progressivement de plus en plus désordonné.
Selon l’hypothèse du passé, la flèche du temps peut être due à la tendance de l’univers à évoluer vers un désordre de plus en plus grand, en vertu de la deuxième loi de la thermodynamique.
Mais notre univers ne semble pas évoluer vers un désordre de plus en plus grand. Bien au contraire, nos observations suggèrent qu’il a évolué d’un état très désordonné (une « soupe de plasma » proche de l’équilibre thermique) vers les structures élégamment ordonnées que l’on voit aujourd’hui (galaxies, systèmes solaires, êtres humains).
Une manière populaire de concilier cette chère deuxième loi de la thermodynamique et les observations consiste à émettre l’hypothèse que, alors que la matière de l’univers semble devenir de plus en plus ordonnée, le champ gravitationnel lui-même voit son entropie augmenter, compensant l’entropie de la matière de telle sorte qu’au total l’entropie augmente. Par contre, les tentatives de définir une notion d’entropie du champ gravitationnel ont jusqu’à maintenant échoué.
De plus, selon Flavio Mercati, l’hypothèse du passé comporte trop de suppositions déraisonnables sur le début de l’univers.
« Jusqu’à maintenant, les seules explications consistent à dire que nous sommes le résultat d’un énorme hasard statistique ou de conditions initiales particulières et non plausibles de l’univers », affirme-t-il.
« Ces explications ne sont pas satisfaisantes. » [traduction]
Avec deux collègues, il suggère une explication plus satisfaisante, qui ne fait pas intervenir l’entropie, mais plutôt la complexité.
« L’univers est une structure dont la complexité s’accroît, poursuit-il. Il est formé de grandes galaxies séparées par d’immenses espaces vides. Dans un passé lointain, elles étaient davantage regroupées. Nous conjecturons que notre perception du temps résulte d’une loi qui détermine une croissance irréversible de la complexité. » [traduction]
Mercati et ses collaborateurs, Julian Barbour et Tim Koslowski, lient la flèche du temps à l’organisation de l’univers en bouquets, comme ils l’expliquent dans leur récent article sur le sujet (A Gravitational Origin of the Arrows of Time).
Il se trouve que la croissance de la complexité s’accompagne d’une augmentation de l’information locale – observation qui établit un lien entre le problème du temps et la théorie de l’information.
Cette constatation est à l’origine d’un projet de recherche pour lequel MM. Mercati et Koslowski (ancien postdoctorant à l’Institut Périmètre) ont obtenu une subvention de l’institut FQXi (Foundational Questions Institute) d’une valeur de 140 000 $ sur deux ans, ce qui leur permettra d’explorer le sujet plus à fond.
« Nous nous sommes rendu compte que la flèche du temps peut avoir une explication qui n’exige pas de conditions particulières quant à l’origine de l’univers, explique M. Mercati. La réponse est tout simplement présente dans la gravité. » [traduction]
Étant donné que des objets complexes comme les galaxies ou les planètes ne peuvent exister sans un degré de complexité élevé – et puisque nous savons que l’univers naissant était une soupe de plasma très peu complexe – les chercheurs en ont déduit que notre perception du passé est liée à des états de faible complexité de l’univers.
Le modèle étudié par Flavio Mercati et ses collaborateurs montre une croissance irréversible de complexité dans toutes ses solutions. Cela implique que le temps s’écoule nécessairement du passé vers le futur.
Bien entendu, leurs travaux sont fondés sur des modèles simplifiés de l’univers – ce que l’on appelle le problème de N corps –, ce qui constitue une bonne approximation, mais ne reflète pas toute la variété de l’univers réel.
« Nous avons étudié un excellent modèle réduit, déclare M. Mercati. Mais l’univers est davantage qu’un problème de N corps. Il comporte beaucoup de choses – de la matière, du rayonnement. Il est complexe. » [traduction]
Néanmoins, comme l’explique Flavio Mercati, le modèle réduit des chercheurs cerne certaines caractéristiques clés de la gravité qui subsisteront probablement dans des modèles plus élaborés et qui donneront lieu à une flèche du temps de nature semblable.
« Ce que nous avons – à notre connaissance –, c’est une manière entièrement nouvelle d’expliquer la flèche du temps. Cette manière fonctionne très bien dans le problème de N corps et ouvre une approche nouvelle du problème de l’univers dans son ensemble. » [traduction]
POUR EN SAVOIR PLUS
- Lisez l’article complet dans arXiv.
- Visionnez la conférence publique que Julian Barbour a donnée en 2012 à l’Institut Périmètre à propos du temps, sur le thème « Le temps existe-t-il? ».
- Renseignez-vous sur le programme Frontières Templeton de l’Institut Périmètre.
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