Aerial shot of field with special telescopes

Le télescope CHIME détecte plus de 500 mystérieux sursauts radio rapides au cours de sa 1re année d’exploitation

account_circle Par Jennifer Chu, MIT News Office
Des observations quadruplent le nombre de sursauts radio rapides connus et révèlent qu’ils sont de 2 types : des signaux uniques et des répéteurs.

Pour attraper un sursaut radio rapide, il faut être extrêmement chanceux quant à l’endroit vers lequel on pointe une antenne radio. Les sursauts radio rapides, ou SRR, sont des éclairs de lumière exceptionnellement brillants, émis dans la bande radio du spectre électromagnétique, qui flamboient pendant quelques millisecondes avant de s’évanouir sans laisser de trace.

Ces lueurs brèves et mystérieuses ont été repérées dans divers endroits lointains de l’univers, de même que dans notre propre galaxie. Leur origine est inconnue, et leur apparition est imprévisible. Depuis la découverte du premier SRR en 2007, les radioastronomes n’en ont détecté qu’environ 140.

Un grand radiotélescope stationnaire situé en Colombie-Britannique a pratiquement quadruplé le nombre de SRR découverts à ce jour. Appelé CHIME (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment – Expérience canadienne de cartographie d’intensité de l’hydrogène), il a détecté 535 nouveaux SRR au cours de sa première année d’exploitation, en 2018 et 2019.

Les membres de l’équipe de CHIME, dont des chercheurs de l’Institut Périmètre, ont compilé ces nouveaux signaux dans un premier catalogue de SRR, qui sera présenté cette semaine lors d’une réunion de la Société américaine d’astronomie.

Ce nouveau catalogue augmente considérablement le nombre de SRR connus et donne déjà des indices quant à leurs propriétés. Par exemple, les nouveaux signaux semblent se répartir en 2 catégories : ceux qui se répètent, et les autres. Les scientifiques ont identifié 18 SRR qui surviennent à répétition, alors que les autres sont des signaux uniques. En outre, les répéteurs ont un aspect différent, car ils durent légèrement plus longtemps et émettent des fréquences radio moins dispersées que les SRR uniques.

Ces observations laissent entendre que les répéteurs et les SRR uniques découlent de mécanismes et sources astrophysiques distincts. Avec davantage d’observations, les astronomes espèrent mettre bientôt le doigt sur les origines de ces signaux étonnamment puissants.

« En adaptant le télescope CHIME et ses logiciels existants, et en ajoutant le module personnalisé CHIME-SRR, nous avons pu balayer sans interruption de grands pans du ciel à la recherche de SRR et faire en sorte que des détections occasionnelles deviennent un flot continu de découvertes », déclare Dustin Lang, informaticien à l’Institut Périmètre.

« L’un des aspects remarquables de l’étude CHIME-SRR, poursuit M. Lang, réside dans l’observation du ciel 24 heures par jour et 7 jours par semaine, de sorte que nous balayons le ciel de manière uniforme. Nous pouvons aussi distinguer les SRR suivant leurs propriétés. L’observation selon des modalités uniformes d’un grand nombre de SRR nous aidera à mieux les comprendre, ce qui est crucial pour en connaître l’origine. » [traduction]

 

Voir des éclairs

Situé à l’Observatoire fédéral de radioastrophysique, en Colombie-Britannique, au Canada, le télescope CHIME comprend 4 grandes antennes radio cylindriques, dont la forme et la taille rappellent des demi-lunes de planche à roulettes. CHIME est stationnaire et ne comprend aucune pièce mobile. Chaque jour, à la faveur de la rotation de la Terre, il reçoit des signaux radio de la moitié du ciel.

Alors que la plupart des radiotélescopes font pivoter une grande soucoupe pour mettre au foyer la lumière provenant de diverses parties du ciel, CHIME fixe le ciel sans bouger et analyse les signaux entrants à l’aide d’un corrélateur — puissant processeur numérique qui peut traiter d’énormes quantités de données à un rythme d’environ 7 térabits par seconde, soit quelques centièmes de tout ce qui circule par Internet dans le monde.

« CHIME est 1 000 fois plus sensible qu’un radiotélescope traditionnel, mais il produit aussi 1 000 fois plus de données », dit Kendrick Smith, titulaire de la chaire Famille-Daniel-James-Peebles à l’Institut Périmètre. « Il y a quelques années, il semblait impossible de traiter de telles quantités de données, mais l’équipe de l’Institut Périmètre a réalisé des percées en matière d’algorithmes et de logiciels qui ont rendu possible cette recherche. » [traduction]

Au cours de sa première année d’exploitation, CHIME a détecté 535 nouveaux sursauts radio rapides. Lorsque les scientifiques en ont cartographié les emplacements, ils ont constaté que les SRR sont uniformément répartis dans l'espace, semblant provenir de toutes les parties du ciel. En extrapolant à partir des SRR détectés par CHIME, les scientifiques ont calculé que des SRR surviennent dans l’ensemble du ciel au rythme d’environ 800 par jour — ce qui constitue l’estimation la plus précise à ce jour du nombre total de SRR par unité de temps.

« C’est la beauté de la chose. Les SRR sont vraiment difficiles à voir, mais ils ne sont pas rares », déclare Kiyoshi Masui, professeur adjoint de physique au MIT et membre de l’Institut Kavli de recherches astrophysiques et spatiales du MIT. « Si l’on pouvait voir des éclairs radio comme on peut voir les éclairs d’appareils photographiques, on pourrait en voir à tout moment simplement en levant les yeux vers le ciel. » [traduction]

 

Cartographier l’univers

Les ondes radio qui voyagent dans l’espace peuvent voir leurs propriétés faussées et leur trajectoire dispersée par les gaz ou plasmas du milieu interstellaire. Le degré de dispersion d’une onde radio peut donner une indication de la quantité de gaz qu’elle a traversée, et donc de la distance qu’elle a parcourue à partir de sa source.

M. Masui et ses collègues ont mesuré la dispersion de chacun des 535 SRR détectés par CHIME. Ils ont constaté que la plupart des SRR viennent probablement de sources contenues dans des galaxies lointaines. Le fait que les SRR aient été suffisamment puissants pour être détectés par CHIME laisse entendre qu’ils doivent avoir été produits par des sources d’énergie extrême. Avec la détection d’un nombre plus grand de SRR, les scientifiques espèrent cerner le genre de phénomènes exotiques capables de produire de tels signaux ultrapuissants et ultrarapides.

Les scientifiques prévoient aussi utiliser les SRR, et leur dispersion estimative, pour cartographier la répartition des gaz dans l’univers.

« Les données publiées maintenant nous permettent de répondre à des questions-clés sur les SRR en tant que population », déclare Masoud Rafiei-Ravandi, doctorant à l’Institut Périmètre. « Dans l’un des articles complémentaires, nous présentons une analyse détaillée de la corrélation entre les SRR détectés par CHIME et les galaxies. Étonnamment, nous avons trouvé par des moyens statistiques que les sources de SRR détectées par CHIME sont situées dans les mêmes halos de matière sombre où il y a des galaxies. Ce n’est que l’une des façons dont ces données nous aideront à répondre à de grandes questions sur les SRR — leur nature, et comment ils peuvent nous aider à comprendre la structure à grande échelle de l’univers. » [traduction]

« Nous publions le catalogue afin que d’autres scientifiques puissent étudier cet immense gisement de données pour trouver des indices sur l’origine des SRR, dit Kendrick Smith. Ce sera passionnant de voir quelles découvertes émergeront de ces analyses. » [traduction]

Ces travaux ont été financés par divers organismes, dont la Fondation canadienne pour l’innovation, l’Institut Dunlap d’astronomie et d’astrophysique de l’Université de Toronto, l’Institut canadien de recherches avancées, l’Université McGill et l’Institut spatial de McGill par l’intermédiaire de la Fondation de la famille Trottier, ainsi que l’Université de la Colombie-Britannique.

 

Renseignements pour les médias :

Mike Brown, Institut Périmètre de physique théorique
[email protected]; 519-591-5099

Abby Abazorius, MIT News Office
[email protected]; 617-253-2709
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