Voici les théoriciens de l’autocohérence

Un groupe vivant et récemment formé de chercheurs a donné une nouvelle jeunesse à un concept ancien — celui d’amorce, qui désignait autrefois un appât de pêche ou dispositif de mise à feu — pour jeter un regard neuf sur certains des problèmes les plus profonds et les plus difficiles de la théorie des champs.

C’est la première journée de la conférence Bootstrap 2019 (Autocohérence 2019), et Pedro Vieira, professeur à l’Institut Périmètre, lance un avertissement inhabituel aux 250 physiciens mathématiciens rassemblés dans l’amphithéâtre.

« Seulement des discussions au tableau noir, dit-il. Si vous avez vraiment besoin d’une diapo, faites-le-nous savoir afin que nous puissions la projeter sur l’écran. Mais nous aimons voir des idées brutes. » [traduction]

C’est comme cela que fonctionne la communauté moderne de l’autocohérence : sans fard et rapidement. Les théoriciens de l’autocohérence préfèrent de longues conférences — qui peuvent même durer un mois — où l’on met l’accent sur des idées prometteuses plutôt que sur la présentation de résultats impeccables.

C’est ainsi que, pendant les 3 semaines de la conférence Bootstrap 2019 (Autocohérence 2019), l’atrium de l’Institut Périmètre est devenu la plaque tournante de tout un domaine de recherche. Tables installées, tableaux barbouillés, échanges d’idées, nouvelles collaborations créées sur place : le dynamisme était palpable.

C’était difficile de croire que, 10 ans auparavant, toute cette communauté scientifique n’existait pas.

Les débuts de l’autocohérence

Traduit de l’anglais bootstrap, amorce (ou autocohérence, pour parler de manière plus scientifique) est un terme général qui décrit une façon d’aborder la théorie des champs. Grosso modo, cela consiste à produire un savoir précis à partir de principes généraux. Par exemple, le premier succès de cette démarche, dès les années 1960, a consisté à partir des symétries et des principes de la mécanique quantique pour expliquer la masse du méson rho, particule que l’on venait tout juste de découvrir.

Cette démarche allant du général au particulier contraste vivement avec l’étude atomiste traditionnelle des particules, qui adopte comme point de départ les constituants les plus petits possibles. L’atomisme a une histoire longue de 2 000 ans, mais en voici les points saillants récents : au XIXe siècle, les scientifiques ont découvert les atomes et les ont déclarés particules élémentaires (c’est-à-dire non constituées d’autres particules). Vers le début du XXe siècle, on a découvert que les atomes étaient formés de particules subatomiques comme les électrons, les protons et les neutrons, qui ont à leur tour été considérées comme des particules élémentaires.

Cependant, dès le milieu du XXe siècle, on avait trouvé aux protons et aux neutrons de nombreux cousins — des particules variées que l’on a appelées hadrons. La plupart des physiciens ont voulu d’instinct creuser davantage, afin de trouver des particules subatomiques constituant les hadrons.

La plupart des physiciens, mais pas tous. Un scientifique iconoclaste du nom de Geoffrey Chew a proposé une manière totalement différente de considérer les choses.

Geoffrey Chew, de l’Université de la Californie à Berkeley, a été le premier théoricien de l’autocohérence.[/caption]

M. Chew voulait mettre de côté toute l’idée de particules élémentaires et non élémentaires. Armé du concept moderne selon lequel les forces résultent d’échanges de particules, il a émis l’idée que chaque hadron est composé d’autres hadrons, et que les forces qui s’exercent entre eux ont été créées par des échanges de hadrons. Autrement dit, selon lui, les hadrons « viennent de leurs propres amorces ».

« La nature est comme elle est, a-t-il écrit, parce que c’est la seule nature possible qui soit cohérente avec elle-même. » [traduction] Il croyait donc possible de déduire tous les faits nécessaires à propos des particules en partant des principes de la mécanique quantique et en faisant une construction ayant une cohérence interne.

C’était une idée radicale et puissante, qui nous a donné la masse du méson rho, mais qui a ensuite échoué.

La contrée non découverte

Geoffrey Chew avait émis une hypothèse erronée, à savoir qu’il existe une seule nature possible. Or il se trouve que ce n’est pas vrai : par exemple, les masses des quarks semblent arbitraires, et dans une autre nature possible elles pourraient être différentes.

Mais vous pourriez voir là encore une brèche. Quelles sont toutes les autres natures possibles? Si on les cartographiait, à quoi ressemblerait cette carte, et où notre nature se situerait-elle? Au milieu? Près d’un bord? Qu’est-ce que cela signifierait?

On peut poser ces questions autrement. La physique moderne des particules ne se décrit plus en fonction de particules, mais en fonction de champs dans lesquels les particules sont comme les plis d’un tapis. L’étude de ces champs fait appel à un cadre mathématique appelé théorie quantique des champs, en abrégé TQC.

La TQC est une mécanique puissante qui peut être — et a été — appliquée à presque tous les problèmes de la physique moderne. Le modèle standard de la physique des particules est une théorie quantique des champs. C’est le cas aussi de l’inflation cosmique de l’univers primitif. La plupart des systèmes de matière condensée, de l’eau aux supraconducteurs, sont décrits au moyen de théories quantiques des champs particulières. La TQC est comme un langage dans lequel les physiciens peuvent exprimer presque n’importe quoi, un passe-partout qui peut ouvrir presque n’importe quelle serrure.

Mais la TQC pose aussi un problème : nous savons qu’il existe de nombreuses TQC différentes, mais nous ne pouvons travailler qu’avec quelques-unes d’entre elles. Les autres — en particulier celles dont les physiciens disent qu’elles sont « en régime de couplage fort » — produisent des nœuds mathématiques inextricables plutôt que des prédictions physiques. De plus, il nous manque une compréhension générale du fonctionnement d’une théorie des champs, ou même une bonne définition de ce qui constitue une théorie des champs. D’une certaine manière, cette mécanique puissante est une boîte noire : nous ne savons pas vraiment ce qui se passe à l’intérieur.

Une question fondamentale, analogue à « Quelles sont toutes les natures possibles? », s’énonce comme suit : « Quel est l’espace de toutes les TQC possibles? » Si nous connaissions la réponse à cette question, nous pourrions sûrement comprendre un peu mieux ce merveilleux outil, et par conséquent l’utiliser d’une manière plus habile et en bénéficier davantage. On recherche donc fiévreusement une carte de toutes les TQC possibles. Il semble de plus en plus que l’autocohérence soit le bon outil pour la dessiner.

La force se réveille

L’idée de Geoffrey Chew selon laquelle on pourrait décrire la nature à partir de principes généraux s’est butée au fait que la nature est en réalité pleine de particularités arbitraires. Mais il y a des situations spécifiques où ces particularités ont moins d’importance. Par exemple, en thermodynamique, l’hydrogène gazeux et l’oxygène gazeux s’échauffent de la même manière — la différence de masse des particules n’a presque pas d’importance. Un physicien dirait que la théorie est symétrique quant à la masse. Le concept d’autocohérence serait-il plus utile dans le cas de théories plus symétriques?

Dans les années 1970, le théoricien russe Alexandre Poliakov a émis l’hypothèse que l’autocohérence pourrait être utile dans le cas de théories des champs ayant des symétries conformes. En 1983, il a prouvé cette hypothèse — du moins en 2 dimensions. Il a publié avec Alexandre Belavin et Alexandre Zamolodtchikov un article d’une importance telle que les équations qu’il contient sont maintenant connues par les initiales des 3 Alexandre : BPZ.

Alexandre Zamolodtchikov, de l’Université d’État de New York à Stony Brook, est titulaire d’une chaire de chercheur invité distingué de l’Institut Périmètre. Il est depuis des décennies un chef de file de la recherche sur l’autocohérence.[/caption]

Les succès obtenus avec des théories conformes des champs bidimensionnels ont donné une impulsion salutaire à l’ensemble du domaine. M. Zamolodtchikov, présent à l’Institut Périmètre pour la conférence Bootstrap 2019 (Autocohérence 2019), se rappelle être allé au-delà des théories conformes 2D pour s’attaquer aux théories comportant une masse. « La première théorie était très simplifiée, dit-il. On supposait que certaines particules ne peuvent se déplacer que sur une droite. Nous leur donnons une dimension d’espace pour se déplacer et une dimension temporelle pour évoluer. C’est tout.

« Ma contribution a consisté à appliquer les idées de l’autocohérence à cette situation, poursuit-il. Cela a été remarquablement fructueux. Ce problème ne pouvait pas être résolu par des méthodes traditionnelles, mais avec l’autocohérence nous avons pu déduire toute la matrice S. » (La matrice S, ou matrice de diffusion, définit comment une particule quelconque d’un système peut interagir avec toutes les autres particules.)

Malgré le caractère bidimensionnel en apparence irréaliste du modèle, cela constituait davantage qu’une preuve sur papier. « C’est quelque chose que l’on peut réaliser en laboratoire, dit M. Zamolodtchikov. Je crois que l’on utilise une longue molécule pour simuler les excitations des quarks. Et les calculs d’autocohérence correspondent très bien à l’expérience. Je suis d’avis que, pour un théoricien, rien ne vaut le fait de voir une valeur pour laquelle on a tant travaillé apparaître dans un résultat expérimental. Il n’y a rien de comparable au sentiment d’avoir commencé à dialoguer de manière plus intime avec la nature. »

M. Zamolodtchikov avait émis des prédictions précises à partir de principes généraux, ce qui est l’essence de l’autocohérence. « C’était si beau, dit-il, que j’oriente encore mes recherches dans des directions semblables. Je suis maintenant un vieil homme, mais j’aime toujours cela. » [traduction]

Alexandre Zamolodtchikov et ses collègues ont révolutionné les théories des champs bidimensionnels. Mais il y a beaucoup moins de symétries en 3 dimensions ou plus, et là où il y a moins de symétries il y a moins de contraintes sur les théories des champs possibles. Comme personne n’arrivait à produire par autocohérence une théorie des champs tridimensionnels, les progrès se sont arrêtés.

La génération suivante

En 2008, dans un moment de pure frustration théorique, un jeune physicien du nom de Slava Rychkov a décidé de ressortir et d’examiner attentivement l’autocohérence pour un plus grand nombre de dimensions. Avec Riccardo Rattazzi, il essayait de construire une version du modèle standard excluant le boson de Higgs, alors insaisissable.

« Je connaissais le concept d’autocohérence parce que j’avais étudié avec Alexandre Poliakov, se souvient-il. Je me suis dit : ‘Soit nous allons résoudre ce problème par autocohérence, soit il n’y a aucun moyen de le résoudre’.

Slava Rychkov, de l’Institut des hautes études scientifiques (IHES) de l’Université Paris-Saclay, a contribué à mettre sur pied le programme de recherches sur l’autocohérence dans plus de 2 dimensions.[/caption]

« Et, ajoute-t-il, cela a fonctionné. » [traduction] La question d’un modèle standard sans boson de Higgs s’est avérée non pertinente — puisque le boson de Higgs a été détecté en 2012 —, mais en cherchant un tel modèle, les scientifiques ont eu une idée brillante. Au lieu d’essayer d’utiliser le concept d’autocohérence pour mettre le doigt sur une théorie des champs précise, ils ont commencé à s’en servir pour distinguer les théories possibles et les théories impossibles.

Pedro Vieira, titulaire de la chaire Clay-Riddell-Paul-Dirac de physique théorique à l’Institut Périmètre et organisateur de la conférence Bootstrap 2019 (Autocohérence 2019), décrit ce changement de démarche. « Auparavant, dit-il, les gens se disaient : ‘Si je réfléchis suffisamment, je vais trouver un point qui décrit l’univers.’ Cela a échoué, parce qu’il n’y a pas moyen de ramener les choses à un point unique à l’aide de cet outil. Il y a de nombreuses possibilités, bien des théories qui pourraient décrire un univers possible; il se trouve simplement que nous vivons dans l’un de ces univers. Il n’y a rien de problématique avec les autres options — elles ne sont tout simplement pas réalisées dans la nature. » [traduction]

L'ensemble des théories possibles ne constitue donc pas un ensemble de points, mais plutôt un espace fini; non pas un ensemble d’étoiles isolées, mais une parcelle de ciel dans laquelle il y a des étoiles. L’autocohérence en 3D ne réalise pas des progrès en détectant des étoiles, mais plutôt en cartographiant le ciel.

Sur le plan mathématique, ce changement de démarche consiste à remplacer des égalités (l’affirmation que la nature est égale à ceci ou à cela) par des inégalités (l’énoncé selon lequel la nature doit être supérieure à ceci, inférieure à cela). Les inégalités agissent comme des limites sur les théories possibles : elles délimitent la parcelle de ciel. Chaque fois qu’un chercheur découvre une symétrie dans une théorie, cela permet d’introduire une autre inégalité et ainsi de préciser la théorie. Souvent, le résultat est une parcelle de ciel si petite qu’elle ne semble contenir qu’une seule étoile : une seule théorie effective.

D’autre part, il s’est trouvé que les informaticiens avaient déjà mis au point une technique de traitement de problèmes fondés sur des inégalités. La programmation linéaire a donné aux théoriciens de l’autocohérence une puissance de calcul dépassant les rêves de leurs prédécesseurs du XXe siècle.

Slava Rychkov, David Poland et David Simmons-Duffin ont commencé à appliquer les mathématiques des inégalités à d’autres problèmes de théorie des champs. Contre toute attente, ils ont commencé à réaliser des progrès rapides — si rapides que plusieurs pensaient que c’était à cause d’un coup de chance ou d’une erreur. Mais comme les résultats continuaient de s’accumuler, « il est apparu clairement, dit M. Rychkov, que le potentiel des recherches sur l’autocohérence n’était pas un simple mirage » [traduction].

Même s’il ne travaillait pas lui-même sur l’autocohérence, Pedro Vieira a été intrigué au point d’être d’avis que cela justifiait une conférence. « Je me suis dit que cette nouvelle manière que MM. Rychkov et Rattazzi avaient d’utiliser l’autocohérence était très prometteuse. À l’époque, on appliquait l’autocohérence à l’étrange exemple d’un modèle de Higgs en régime à couplage fort. Mais on croyait pouvoir l’appliquer d’une manière beaucoup plus générale, à l’étude de tout l’espace des théories des champs. » [traduction]

De retour à l’autocohérence

Pedro Vieira, João Penedones (alors postdoctorant à l’Institut Périmètre) et Leonardo Rastelli, de l’Université d’État de New York à Stony Brook, ont organisé une première conférence Back to The Bootstrap (De retour à l’autocohérence) à l’Institut Périmètre en 2011. Ce fut une conférence modeste : 3 jours et une vingtaine de participants.

Pedro Vieira, titulaire de la chaire Clay-Riddell-Paul-Dirac de physique théorique à l’Institut Périmètre, a contribué à la mise sur pied de la série de conférences qui a donné naissance à la communauté scientifique de l’autocohérence.[/caption]

« Selon moi, on peut dire que cette communauté a été créée ici lors de cette première réunion, dit M. Vieira. De mon point de vue, c’est l’une des conférences les plus fructueuses jamais tenue. Elle a été très informelle. Nous n’avions pas d’horaire. Chaque jour, nous disions de quoi nous allions parler. Un participant animait la discussion, et il y avait une véritable discussion. De nombreux projets sont nés lors de cette conférence. » [traduction]

Les théoriciens de l’autocohérence tiennent depuis lors une conférence annuelle. Souhaitant la bienvenue aux 250 participants à celle de 2019, M. Vieira a fait remarquer : « À un moment donné, il est devenu ridicule de les appeler ‘De retour à l’autocohérence’. Nous y étions déjà depuis longtemps. » [traduction]

En réalité, il y a maintenant plusieurs variantes de l’autocohérence, qui parfois se recoupent, parfois divergent. Cette communauté scientifique comprend aujourd’hui des centaines de chercheurs et publie chaque année des dizaines d’articles importants.

Tous ces chercheurs ont en commun d’exploiter les inégalités pour explorer l’espace des théories des champs. En physique de la matière condensée, ils font des prédictions précises quant aux théories des champs qui décrivent des systèmes particuliers. En physique des particules, on utilise des tests d’autocohérence pour restreindre la nature des théories possibles au-delà du modèle standard. Il y a même des chercheurs qui s’attaquent à la gravitation quantique à l’aide de l’autocohérence.

« Certains scientifiques se concentrent sur l’extraction de prédictions, explique M. Rychkov. On parle alors généralement d’autocohérence conforme numérique. » C’est un peu comme de rechercher le point le plus élevé d’une île en haussant graduellement le niveau de la mer au lieu de cartographier chaque centimètre carré de l’île. Ce n’est peut-être pas aussi précis, mais, sur le plan mathématique, c’est beaucoup plus efficace. Si les chercheurs peuvent trouver assez d’inégalités pour hausser suffisamment le niveau de la mer, ce qui reste au-dessus du niveau de l’eau peut être très petit — assez pour faire des prédictions expérimentales.

Slava Rychkov aime cet aspect du travail. « C’est toujours très motivant pour moi d’obtenir un résultat que je peux comparer à une expérience, dit-il. C’est une grande étape intermédiaire. On revient ensuite en arrière, pour apprendre des choses profondes sur les théories conformes des champs, puis on met ces choses en œuvre pour obtenir une meilleure comparaison avec les résultats expérimentaux, ce qui incite à revenir à nouveau en arrière pour en apprendre encore davantage.

« C’est un cercle vertueux, fait de beauté mathématique et d’applications pratiques. Je crois que l’autocohérence possède un bon équilibre des deux. » [traduction]

La frontière ultime

Pedro Vieira n’est pas aussi intéressé à faire monter le niveau de la mer, car il cartographie l’ensemble du littoral. Même si de nombreuses branches du programme de recherche sur l’autocohérence tournent autour des théories conformes des champs, M. Vieira s’intéresse aux théories des champs qui comportent des éléments absents des théories conformes : des particules dotées d’une masse. Cette branche du programme de recherche s’appelle théorie autocohérente des matrices S.

Comme elle n’a pas les symétries supplémentaires des théories conformes, la théorie autocohérente des matrices S peut être difficile. C’est pourquoi M. Vieira commence avec une simplification : « Nous travaillons toujours en 2 dimensions pour mettre au point nos armes », dit-il.

L’espace de toutes les théories des champs bidimensionnels possède quelque chose que l’on ne trouve pas dans les espaces ayant davantage de dimensions : des étoiles fixes servant de repères. C’est parce que le programme d’autocohérence 2D d’Alexandre Zamolodtchikov, décrit plus haut, a produit un très grand nombre d’exemples connus de théories 2D.

« Lorsque l’on dresse une carte de toutes les théories 2D possibles, ces points de repère doivent se trouver à l’intérieur de l’espace des théories permises, puisqu’elles en sont des exemples explicites, dit M. Vieira. Si notre région exclut une théorie que M. Zamolodtchikov a trouvée, alors notre hypothèse est erronée. Alexandre Zamolodtchikov est comme un oracle omniscient à propos des théories des champs bidimensionnels. »

De plus, la disposition des repères de Zamolodtchikov s’avère intéressante. « Par exemple, dit M. Vieira, en étudiant les théories de diffusion en 2 dimensions, nous avons récemment trouvé une belle forme tridimensionnelle — où l’intérieur représentait les théories permises et l’extérieur les théories exclues. Cette forme comporte des sommets, des arêtes et des pics. Et les théories de Zamolodtchikov se situent exactement sur les pics, endroits les plus intéressants de cet espace de théories. »

Ce modèle tient bon alors que Pedro Vieira progresse dans une longue quête d’une carte de toutes les théories 3D. « Lorsque l’on travaille dans un plus grand nombre de dimensions, dit M. Vieira, il semble que les théories que l’on trouve aux endroits les plus intéressants sont celles qui décrivent le monde réel. Les résultats expérimentaux se situent au voisinage ou à la frontière des théories permises, plutôt que loin à l’intérieur de la région permise. Et, en général, on constate que les théories les plus intéressantes sont aux endroits les plus intéressants. »

Et cela peut aussi fonctionner dans l’autre sens : lorsque Pedro Vieira trouve des endroits plus intéressants sur sa carte, on y découvre souvent des théories physiques auparavant inconnues. C’est révélateur, mais révélateur de quoi?

« Je ne sais pas, dit M. Vieira, pourquoi les endroits intéressants sont près de la frontière. Au Canada, la plupart des villes sont près de la frontière avec les États-Unis, parce que les gens recherchaient un climat plus chaud. Ils sont donc allés de plus en plus vers le sud, jusqu’à ce que la frontière les arrête.

« On dirait que les théories physiques essaient de faire la même chose. Elles veulent aller dans une certaine direction. Elles vont donc de plus en plus vers la frontière, jusqu’à ce qu’elles doivent s’arrêter parce qu’elles violeraient un principe d’unité, de causalité ou d’autre chose. » [traduction]

Vers quoi se déplacent-elles? Nous ne le savons pas. Il y a peut-être une symétrie qu’il nous reste à découvrir. Ou une quantité qui doit atteindre une valeur minimale ou maximale, et qui pousse la théorie à la limite. Si l’on trouvait cela, on connaîtrait peut-être mieux la théorie des champs en général. Ce pourrait être la légende permettant de lire la carte.

À la manière d’un oracle, Alexandre Zamolodtchikov a une autre explication : « Pourquoi vivons-nous à la limite de l’impossible? Parce que c’est plus intéressant ainsi, dit-il. Celui qui a créé tout cela, peu importe qui il est, voulait peut-être éviter que ce soit ennuyant. » [traduction]

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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