Les femmes sont sous-représentées en physique.
Selon le rapport La physique au Canada en chiffres : une exploration des identités diverses des étudiantes, étudiants et professionnel·les en physique au Canada, seulement 21,7 % des doctorats en physique en 2022 ont été décernés à des femmes.
Mais Susanne Schander, titulaire 2024 de la bourse postdoctorale BMO pour l’excellence inclusive, espère que cette réalité aura changé pour la prochaine génération de jeunes femmes.
« J’espère vraiment qu’à l’avenir, leur parcours sera plus facile, et qu’il ne sera plus aussi difficile pour les femmes de trouver leur place dans des domaines encore majoritairement masculins comme la physique ou les mathématiques. »
Schander dit avoir eu le privilège d’être chercheuse postdoctorale à l’Institut Périmètre depuis 2020, où elle se consacre à la cosmologie et à la gravité quantique.
Mais elle reconnaît que des obstacles subsistent pour les femmes en physique dans de nombreuses institutions.
Les femmes, tout comme d'autres personnes issues de groupes sous-représentés, sont souvent celles qui consacrent beaucoup d’efforts à améliorer les conditions de travail et les perspectives de carrière de leurs collègues — un travail qui prend du temps. Mais dans plusieurs milieux universitaires, ces efforts ne sont pas pris en compte dans les évaluations académiques.
Schander affirme que c’est pourquoi la bourse BMO constitue une si grande contribution aux efforts d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) à l’Institut Périmètre.
« Cette bourse compense le travail de défense de l’EDI, ce qui encouragera davantage de chercheurs et chercheuses à s’impliquer », dit-elle.
Helen Seibel, responsable des dons communautaires et des dons des employé·es à la BMO, affirme que son institution financière considère une société inclusive comme un moteur clé du progrès.
« BMO est fière de son partenariat avec l’Institut Périmètre et de notre engagement commun à favoriser des environnements où chacun et chacune peut s’épanouir », déclare Seibel. « Cela reflète vraiment notre raison d’être : avoir le cran de faire le bien, en affaires comme dans la vie. »
Schander espère qu’en tant que boursière BMO pour l’excellence inclusive, elle pourra contribuer à faire en sorte que les femmes chercheuses ne rencontrent pas d’obstacles dans leur carrière en physique.
Schander est originaire d’Allemagne. Avant de devenir chercheuse postdoctorale à l’Institut Périmètre, elle a effectué un double doctorat à la Friedrich-Alexander-Universität (FAU) d’Erlangen-Nürnberg, en Allemagne, et à l’Université Grenoble Alpes, en France. Sa thèse portait sur le domaine fascinant de la cosmologie quantique, qu’elle a approfondi depuis son arrivée à Périmètre.
« J’ai continué à travailler sur la cosmologie quantique, mais je dirais que mon attention se porte désormais davantage sur les questions fondamentales et mathématiques, ainsi que sur la gravité quantique », explique-t-elle.
De nombreux physiciens à Périmètre cherchent à résoudre le problème de la gravité quantique. Leur objectif est de trouver une façon d’intégrer la force gravitationnelle, telle que décrite par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, dans notre compréhension de la physique quantique.
C’est le Saint-Graal de la physique. Une théorie unifiée qui relierait l’univers à grande échelle à celui des plus petites particules et forces ouvrirait une toute nouvelle fenêtre sur la compréhension du fonctionnement de la nature.
Mais cette théorie est difficile à trouver, et il existe plusieurs approches pour y parvenir.
Il y a la théorie des cordes, selon laquelle tout serait constitué de minuscules cordes. Cette théorie donne naissance au concept de dualité holographique, selon lequel une théorie des particules en dimensions inférieures peut être reliée à un espace en dimensions supérieures qui inclut la gravité.
Une autre approche consiste à « quantifier » l’espace-temps, c’est-à-dire à le décomposer en ses unités fondamentales.
La gravité quantique à boucles, dans laquelle le fond continu de la théorie de la gravité d’Einstein est remplacé par des nœuds et des liens — de sorte que l’espace est formé de blocs discrets — est l’une des approches possibles pour quantifier l’espace-temps.
Mais toutes les approches visant à quantifier l’espace-temps comportent des limites et des problèmes. La relativité générale décrit la gravité comme une courbure fluide de l’espace-temps. Cela ne s’accorde pas bien avec la mécanique quantique, où les particules et les forces sont des entités discrètes qui interagissent sous forme de paquets d’ondes. Les deux théories parlent des langages différents.
Schander a travaillé par le passé sur la gravité quantique à boucles. Mais plus récemment, elle a proposé une nouvelle approche à la gravité quantique en revisitant une idée ancienne : la géométrodynamique quantique, développée dans les années 1960 par le célèbre physicien John Wheeler (à qui l’on doit aussi la popularisation du terme « trou noir »).
La géométrodynamique est synonyme de relativité générale, mais elle est plus précisément liée à une formulation dans laquelle la géométrie de l’espace-temps évolue avec le « temps » — une approche différente de celle proposée à l’origine par Einstein. Cette idée a d’abord été présentée en 1959 par les physiciens Richard Arnowitt, Stanley Deser et Charles Misner. Dans les années 1960, Wheeler et Bryce DeWitt ont tenté d’en développer une version quantique, mais se sont heurtés à des défis mathématiques apparemment insurmontables.
Selon Schander, à l’époque de Wheeler, les outils mathématiques nécessaires pour faire avancer cette approche n’existaient pas encore.
« Mais aujourd’hui, nous pouvons utiliser de nouveaux outils mathématiques pour redéfinir cette approche. Nous utilisons des outils issus de la théorie quantique des champs sur réseau, un domaine désormais très bien établi », dit-elle.
Tout en poursuivant cette fascinante exploration de la version discrète de la géométrodynamique quantique, Schander est aussi très engagée dans le groupe de travail Women in Physics de l’Institut Périmètre, qui vise à promouvoir l’inclusion et l’autonomisation des femmes en milieu scientifique. Le groupe organise chaque année plusieurs événements pour favoriser les échanges entre femmes et leur offrir des conseils de carrière.
Il a également lancé un club de lecture sur l’EDI.
« Le club porte sur des sujets liés à l’EDI. Nous rassemblons tout le monde autour de la table pour discuter des recherches récentes et des enjeux actuels en matière d’EDI, afin de générer de nouvelles idées et, possiblement, de les mettre en œuvre », explique-t-elle.
Jusqu’à présent, huit rencontres du club de lecture ont eu lieu, et toutes ont donné lieu à des discussions animées, ajoute Schander.
Selon elle, rendre le domaine de la physique plus diversifié et inclusif est bénéfique pour tout le monde.
« La société finance la recherche et profite de ses retombées. Mais la recherche elle-même gagne à intégrer davantage d’idées issues de personnes différentes », souligne-t-elle. « Rendre la recherche plus inclusive et plus riche améliore la société dans son ensemble. »
BMO a créé la bourse postdoctorale pour l’excellence inclusive en 2022 grâce à un don de 400 000 $ à l’Institut Périmètre.
À propos de l’IP
L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.