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De nouvelles données provenant du Dark Energy Spectroscopic Instrument indiquent que l’énergie noire pourrait être en train de faiblir.

Selon le modèle cosmologique standard, l’expansion de l’univers est alimentée par la forme la plus simple d’énergie noire : une « constante cosmologique » invariable appelée lambda.

Mais ce modèle bien établi pourrait bientôt être remis en question.

DESI maps distant objects to study dark energy. The instrument is installed on the Mayall Telescope, shown here beneath star trails. Credit: KPNO/NOIRLab/NSF/AURA/B. Tafreshi

« C’est le début d’une nouvelle ère, » affirme Will Percival, professeur et directeur du Waterloo Centre for Astrophysics à l’Université de Waterloo, ainsi que chercheur associé à l’Institut Périmètre de physique théorique. « Quand j’ai commencé mon doctorat, on ne savait même pas que lambda existait. J’ai ensuite passé la majeure partie de ma carrière à prouver que lambda fonctionnait. Et maintenant, on commence à voir des indices que lambda ne colle plus aux observations. C’est très excitant! »

Percival est le co-porte-parole de la collaboration du Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI), qui a construit la plus grande carte 3D de l’univers jamais réalisée en observant des millions de galaxies et de quasars. DESI est une expérience internationale réunissant plus de 900 chercheurs issus de plus de 70 institutions à travers le monde, et est géré par le Lawrence Berkeley National Laboratory du département de l’Énergie des États-Unis.

DESI mesure l’énergie noire en suivant la taille de formations semblables à des bulles appelées « oscillations acoustiques baryoniques », causées par des ondes sonores dans le plasma chaud de l’univers primordial. On peut aujourd’hui observer la trace de ces bulles imprimée dans la répartition à grande échelle des galaxies et de la matière dans l’univers.


The Dark Energy Spectroscopic Instrument has made the largest 3D map of the universe to date. Fly through millions of galaxies mapped using coordinate data from DESI. Credit: DESI collaboration and Fiske Planetarium, CU Boulder 

Au printemps dernier, les premiers résultats de DESI ont fourni un premier indice préliminaire selon lequel l’énergie noire pourrait évoluer dans le temps. Les nouvelles données – plus du double du volume initial – renforcent maintenant cette hypothèse, bien qu’elles n’aient pas encore atteint le seuil des « 5 sigma » requis par les physiciens pour confirmer une découverte.

En réalité, la divergence ne provient pas uniquement des résultats de DESI, qui, pris isolément, semblent cohérents avec le modèle standard. Mais lorsqu’on les combine avec d’autres expériences mesurant le rayonnement du fond diffus cosmologique (CMB) et les données sur les supernovas, l’hypothèse d’une énergie noire évolutive correspond mieux à ce que les scientifiques observent. Selon les différentes combinaisons de jeux de données, l’évolution de l’énergie noire est prédite avec une certitude allant de 2,8 à 4,2 sigma. Un événement à 3 sigma a environ 0,3 % de chances d’être un simple hasard statistique.

DESI is a state-of-the-art instrument and can capture light from up to 5,000 celestial objects simultaneously. Credit: Marilyn Sargent/Berkeley Lab

« J’ai hâte de voir où tout cela va mener. Il reste du travail à faire, mais une énergie noire dont l’effet aurait été initialement plus fort que ce que prédit le modèle standard, puis qui serait devenue plus faible il y a environ 4 milliards d’années, est une candidate viable pour résoudre les tensions qu’on observe entre les ensembles de données », explique Percival.

Dustin Lang, chercheur scientifique à l’Institut Périmètre, fait partie de l’équipe d’imagerie du projet DESI. Son travail sur le projet a commencé il y a plus de dix ans, et a contribué à jeter les bases des résultats scientifiques d’aujourd’hui.

« Ce qu’on observe, c’est un véritable va-et-vient entre théorie et observation », souligne Lang. « Ces nouvelles observations ont donné un petit coup de pouce aux théoriciens, les incitant à élaborer de nouveaux modèles ou à remettre en question certaines interprétations des données. On espère que ce n’est pas simplement une fluctuation statistique ou un biais systématique, mais DESI est très rigoureux sur ce genre de choses, avec une stratégie de cécité très poussée. »

From its mountaintop location in Arizona, DESI maps the universe. Credit: Marilyn Sargent/Berkeley Lab

Maintenant que les preuves observationnelles d’une énergie noire évolutive s’accumulent, les scientifiques commencent à évaluer ce que cela pourrait signifier pour le modèle cosmologique standard.

« Il est difficile de dire comment cela influencera notre compréhension de la cosmologie. Il y a quelque chose dans ces mesures du taux d’expansion qui ne correspond pas à ce qu’on attendait. Est-ce dû à une nouvelle physique ou à des biais dans un ou plusieurs jeux de données? C’est encore trop tôt pour le dire. Le groupe DESI chargé des paramètres cosmologiques a fait un énorme travail pour tester la robustesse de nos résultats, et j’ai vraiment hâte de voir comment la communauté va réagir, » affirme Alex Krolewski, chercheur postdoctoral à l’Université de Waterloo.

Krolewski dirige les travaux qui combinent les données sur les galaxies de DESI avec la lentille gravitationnelle du CMB – c’est-à-dire la distorsion gravitationnelle du rayonnement fossile causée par la distribution de la matière dans l’univers. Cette démarche permettra de mesurer la croissance des structures dans l’univers et de tester plus en profondeur l’hypothèse d’une énergie noire dynamique, avec des résultats attendus en 2026.

Mechanical technician William DiVittorio performs a carbon dioxide cleaning on the mirror of the Mayall Telescope, where DESI operates. Credit: Marilyn Sargent/Berkeley Lab

Hanyu Zhang, chercheuse postdoctorale à l’Université de Waterloo et membre de l’équipe DESI chargée de tester la robustesse des résultats à l’aide de données synthétiques, partage cet enthousiasme. « Je suis vraiment ravie de ces résultats. Ces mesures offrent des preuves convaincantes en faveur d’une énergie noire dynamique. »

DESI est en plein cœur de sa campagne d’observation principale, avec encore plusieurs années de collecte de données à venir. La collaboration vient de rendre publique sa première année de données, offrant ainsi aux spécialistes du monde entier la possibilité d’explorer l’ensemble du corpus dans le cadre de leurs propres programmes de recherche.


DESI has made the largest 3D map of our universe to date and uses it to study dark energy. Earth is at the center in this animation, and every dot is a galaxy. Credit: DESI collaboration and KPNO/NOIRLab/NSF/AURA/R. Proctor

Bien qu’il reste à voir ce que les nouveaux résultats de DESI signifieront pour l’avenir de la cosmologie, Percival se dit enthousiaste face aux perspectives.

« Nous nous laissons guider par le rasoir d’Occam, et l’explication la plus simple de ce que nous observons est en train de changer. Tout porte à croire que nous devrons peut-être modifier notre modèle cosmologique standard pour que ces différents ensembles de données soient cohérents — et l’hypothèse d’une énergie noire évolutive semble prometteuse. »

La collaboration DESI est honorée d’avoir reçu la permission de mener ses recherches scientifiques sur I’oligam Du’ag (le mont Kitt Peak), une montagne revêtant une signification particulière pour la Nation Tohono O’odham.

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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