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Very rubin observatory, Credit: Rubin Obs/NSF/AURA

La physique informatique à l'Institut Périmètre

La physique informatique – c’est-à-dire l’utilisation d’outils numériques mis en œuvre dans des ordinateurs pour résoudre des problèmes de physique – prend de plus en plus d’importance en physique moderne. Voici un aperçu de la physique informatique à l’Institut Périmètre.

On dit parfois que la physique informatique revient à utiliser une pelle mécanique plutôt qu’une petite pelle à main. Elle consiste à exploiter la puissance de l’informatique là où les problèmes sont impossibles à résoudre manuellement. Mais la physique informatique va bien au-delà de la force brute et des calculs intensifs. C’est aussi un art, que les physiciens confrontés à des problèmes de calcul peuvent maîtriser ou non. Heureusement pour ses chercheurs, l’Institut Périmètre compte dans ses rangs un artiste de l’informatique.

Erik Schnetter est chercheur à l’Institut Périmètre – il est l’auteur de travaux largement reconnus sur les aspects gravitationnels des trous noirs –, mais il a aussi le mandat de collaborer avec d’autres chercheurs à la résolution de problèmes difficiles sur le plan des calculs.

M. Schnetter compare son rôle à celui d’ingénieurs qui aident des expérimentateurs dans leur travail. « Lorsque l’on imagine une expérience en physique, il faut en faire une conception pratique, explique-t-il. Il faut connaître de nombreux détails sur la manière de faire les choses. Par exemple, certains montages expérimentaux sont techniquement faisables, mais d’autres ne le sont pas, même si les phénomènes physiques testés sont identiques. Il faut donc de l’expérience pour réaliser une expérience couronnée de succès.

« La physique informatique est un peu la même chose, poursuit-il. Si le problème est simple, vous pouvez-le résoudre vous-même. Mathematica et d’autres outils disponibles sur le marché sont là pour vous aider. Mais dans le cas de problèmes complexes, vous avez besoin d’expérience et vous devez faire des efforts pour concevoir l’infrastructure de calcul nécessaire. Vous devez vous assurer que les algorithmes numériques sont efficaces et stables, et qu’ils produisent des résultats valables et précis. Dans un algorithme, il est très facile de faire une erreur qui fait exploser tout le calcul : les petites erreurs s’additionnent sur plusieurs itérations, comme les intérêts d’un prêt qui durerait un million d’années. Personne ne veut vivre cela. Et ce n’est que l’une des difficultés qui peuvent survenir. Tout cela devient très compliqué. Il faut dès le début une bonne conception des algorithmes. » [traduction]

Erik Schnetter travaille avec des scientifiques dans tous les domaines de recherche de l’Institut Périmètre. « Cela fonctionne parce que, même si les phénomènes physiques sont bien différents d’un domaine à l’autre, les méthodes de calcul sont souvent très semblables » [traduction], ajoute-t-il. On l’arrête fréquemment au passage pour de brèves consultations ou des conversations de 10 minutes, mais il participe aussi à un certain nombre de projets majeurs. Par exemple, il a récemment travaillé avec le professeur Luis Lehner sur la description des ondes gravitationnelles transitoires, avec le chercheur principal Christopher Fuchs sur de nouvelles approches des probabilités en physique quantique, et avec la professeure Bianca Dittrich sur un problème de gravitation quantique.

« La plupart des chercheurs en gravitation quantique sont relativement novices en physique informatique », [traduction] note Mme Dittrich. Dans le domaine de la gravitation quantique, on étudie l’idée que l’espace-temps lui-même pourrait être fait de grains minuscules, un peu comme des grains de sable, que l’on ne peut pas subdiviser. Une grande partie du travail effectué dans ce domaine consiste à étudier les propriétés de ces grains d’espace-temps – appelés atomes d’espace-temps, ce qui ne va pas sans introduire une certaine confusion. Mme Dittrich travaille à faire le lien entre ces atomes d’espace-temps et la structure lisse que nous connaissons de l’espace-temps à une grande échelle. C’est là que la physique informatique peut intervenir.

Bianca Dittrich résume ainsi le problème : « Nous avons des modèles microscopiques de la gravitation quantique, qui décrivent les propriétés d’un atome d’espace-temps, mais nous ne savons pas grand-chose de ce qui se passe lorsque l’on rassemble un grand nombre de ces atomes. Il s’agit d’une question très complexe parce qu’elle fait intervenir énormément d’atomes – un nombre infini d’atomes – et qu’il faut considérer non seulement leur état statique, mais aussi leur dynamique. Pendant longtemps, il n’y a pas eu beaucoup de progrès sur ce front. » [traduction]

C’est là où la physique informatique peut jouer un rôle déterminant. Mme Dittrich explique : « Nous avons simplifié le modèle des atomes d’espace-temps individuels, tout en conservant les principaux ingrédients de leur dynamique. Nous avons pu ensuite faire des simulations numériques sur un grand nombre de ces atomes simplifiés. » [traduction] Cela a donné aux chercheurs un aperçu de ce à quoi l’espace-temps pourrait ressembler à une grande échelle.

« La collaboration d’Erik Schnetter fut très utile, ajoute Mme Dittrich. Il nous a suggéré des manières de concevoir un calcul donnant une simulation beaucoup plus efficace. Au bout du compte, nous avons été très heureux de la simulation que nous avons faite : nous avons obtenu des résultats allant au-delà de ce que nous attendions, et cela nous a ouvert une nouvelle avenue de recherche. » [traduction]

« Les organismes qui ont besoin de faire beaucoup de calculs ont invariablement un champion de la manière de les effectuer », affirme pour sa part Luis Lehner. Celui-ci a récemment travaillé avec Erik Schnetter au sein d’une équipe qui a décrit quels signaux pourraient être captés par la nouvelle génération d’observatoires d’ondes gravitationnelles. « Mais il n’est pas habituel que ce rôle soit ainsi officialisé. Et c’est très rare de trouver une personne comme Erik, capable d’avoir un point de vue s’étendant sur de nombreux domaines et disciplines. » [traduction]

« La physique informatique est importante, parce que de nombreux problèmes fondamentaux fascinants et difficiles peuvent être résolus par le calcul », ajoute M. Lehner. Certaines idées ont besoin d’être testées et explorées « au-delà de ce qui est réalisable de manière expérimentale, dit-il. Avec la physique théorique et la physique expérimentale, la physique informatique est en train de devenir un troisième pilier de la recherche fondamentale. » [traduction]

Dans ce cas, la physique informatique n’est pas tant une pelle mécanique, mais plutôt un télescope – une nouvelle fenêtre ouverte sur l’univers, un outil permettant de voir plus loin.

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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