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Pour la première fois, des chercheurs disposent des calculs et des simulations nécessaires pour expliquer les mystérieux éclairs provenant de la galaxie OJ 287

Environ deux fois tous les douze ans, à quelque 3,5 milliards d’années-lumière de la Terre, une lumière équivalente à celle d’un billion de soleils jaillit dans le ciel nocturne, puis s’éteint au fil des mois suivants. Ce phénomène, observé par les astronomes depuis la fin des années 1880, provient d’une galaxie connue sous le nom de OJ 287. Depuis plus de quarante ans, les scientifiques attribuent cette activité régulière à une paire de trous noirs supermassifs engagés dans une collision cosmique. En théorie, de tels systèmes binaires devraient être fréquents — mais OJ 287 est le seul cas où l’on dispose de preuves claires de leur existence. 

 

« Les paires de trous noirs supermassifs comme celle-ci sont essentielles pour comprendre comment les galaxies fusionnent et évoluent au fil du temps », explique Luciano Combi, chercheur postdoctoral à l’Institut Perimeter et boursier national du CITA (Canadian Institute for Theoretical Astrophysics) à l’Université de Guelph. Combi est coauteur d’un article récent publié dans The Astrophysical Journal Letters qui présente les toutes premières simulations d’OJ 287. Ses trois coauteurs sont Sean Ressler (auteur principal) et Bart Ripperda, tous deux du CITA, ainsi que Xinyu Li de l’Université Tsinghua.

Image credit: Canadian Institute for Theoretical Astrophysics

Au-delà des estimations « papier et crayon »

 

Dans le cas du duo de trous noirs OJ 287, le trou noir principal est l’un des plus grands jamais observés — environ 18 milliards de fois la masse du Soleil. Il est entouré d’un disque de gaz qui tombe lentement vers son horizon des événements. Le trou noir secondaire, beaucoup plus modeste avec ses 150 millions de fois la masse du Soleil, entre périodiquement en collision avec ce disque, provoquant ainsi une explosion de lumière.

 

Jusqu’ici, cette explication reposait principalement sur de simples estimations théoriques, réalisées « au crayon », pour modéliser la manière dont les trous noirs interagissent avec le gaz environnant. Combi souligne que leur étude présente les toutes premières simulations complètes du système OJ 287. Contrairement aux estimations antérieures, leur travail analyse de façon cohérente la réaction du disque aux collisions répétées, l’interaction du gaz éjecté avec le trou noir secondaire, ainsi que la façon dont ce dernier déforme et amplifie les champs magnétiques entourant le disque, ce qui génère des flux de matière sortants. 

« Ces simulations tiennent compte de l’interaction complexe entre la gravité extrême, l’électrodynamique et la dynamique des fluides, afin de vérifier rigoureusement si le modèle peut réellement expliquer les sursauts observés, » explique Combi. « C’est la première fois que le gaz (qui produit la lumière) entourant le système binaire est simulé de manière cohérente et réaliste. » 

 

Images et animations issues des simulations  

 

L’équipe a utilisé ses simulations pour créer des animations fondées sur des principes physiques réels, qui donnent littéralement vie au système situé au cœur de la galaxie OJ 287.

 

« Pendant des années, l’idée d’un petit trou noir entrant en collision avec le disque d’un trou noir beaucoup plus massif a inspiré de magnifiques visualisations et rendus artistiques, mais cette fois, nous disposons d’animations basées sur des calculs bien plus complexes », explique Sean Ressler. 

Les simulations confirment dans l’ensemble que la collision du trou noir secondaire avec le disque peut libérer assez d’énergie pour expliquer les sursauts lumineux observés. Ces collisions modifient également la structure du disque, le déformant et générant des motifs en spirale temporaires qui se propagent vers l’intérieur.

« Ces calculs doivent vraiment être considérés comme une première étape vers des simulations pleinement réalistes, souligne Ressler. Nous devons encore inclure les effets de la production des éclairs lumineux et la façon dont la gravité extrême des trous noirs les dévie. Nous avons aussi effectué certaines simplifications pour rendre les simulations plus réalisables, mais notre objectif est de les éliminer afin de mieux prendre en compte le comportement de la lumière. C’est une avancée importante vers une compréhension complète et cohérente de ce système. » 

 

Le lien avec les ondes gravitationnelles

 

La gravité générée par ces deux trous noirs massifs est si intense qu’elle provoque des ondulations dans l’espace et le temps, appelées ondes gravitationnelles. Bien que ce phénomène finisse par les entraîner vers une collision totale, celle-ci ne surviendra pas avant environ 10 000 ans.

En attendant, les chercheurs s’efforcent de détecter ces ondulations en surveillant un ensemble d’étoiles pulsantes, appelées réseaux de chronométrage de pulsars (pulsar timing arrays), qui agissent comme de véritables horloges cosmiques. Avec la prochaine génération de radiotélescopes, la sensibilité de ces observations atteindra un niveau tel qu’il sera possible de détecter les ondes gravitationnelles émises par le système OJ 287. 

En combinant les informations issues d’une telle détection avec celles provenant de l’observation des sursauts lumineux, les scientifiques pourraient réaliser des percées majeures dans la compréhension de la gravité, des trous noirs et de la croissance des galaxies au fil du temps. Des simulations comme celles de Ressler, Combi, Ripperda et Li joueront un rôle essentiel dans cette démarche. 

 

Image credit: NASA

« Cette étude est un superbe exemple du type de science rendu possible par la convergence de puissants télescopes, couvrant plusieurs bandes et types de messagers — ondes électromagnétiques et gravitationnelles —, combinée à une compréhension approfondie issue de la théorie et de la modélisation informatique, » ajoute Luis Lehner, titulaire de la chaire Carlo Fidani Rainer Weiss en physique théorique à l’Institut Perimeter.

« C’est fascinant de voir comment certains mystères se résolvent, tout en faisant émerger de nouvelles questions passionnantes qui approfondissent notre compréhension de l’univers. »

À propos de l’IP

L'Institut Périmètre est le plus grand centre de recherche en physique théorique au monde. Fondé en 1999, cet institut indépendant vise à favoriser les percées dans la compréhension fondamentale de notre univers, des plus infimes particules au cosmos tout entier. Les recherches effectuées à l’Institut Périmètre reposent sur l'idée que la science fondamentale fait progresser le savoir humain et catalyse l'innovation, et que la physique théorique d'aujourd'hui est la technologie de demain. Situé dans la région de Waterloo, cet établissement sans but lucratif met de l'avant un partenariat public-privé unique en son genre avec entre autres les gouvernements de l'Ontario et du Canada. Il facilite la recherche de pointe, forme la prochaine génération de pionniers de la science et communique le pouvoir de la physique grâce à des programmes primés d'éducation et de vulgarisation.

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